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Clément Maraud
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Au coin du zinc, on croise Paul, Gus, Benoît, Julot, Chico, Alice... d'autres encore, leur nom décousu au fil d'une vie de débine, voyageurs sans bagages qui jettent l'ancre dans des rades de hasard dont la clientèle constitue, bien souvent, leur seule famille.
Même si la suite de récits de Clément Maraud n'offre aucune unité de temps ni de lieu, le comptoir du café sert d'appui, voire d'asile à ces divers personnages dans la solitude ultime qui les réunit. Ivrognes et mendiants, pochards métaphysiques, miséreux, rêveurs, exilés, vieillards oubliés par l'époque ne reçoivent en partage que ce qu'ils s'inventent : des secrets incertains, des jours meilleurs, des ivresses exquises, des jeux sans hasard, des rôles abandonnés, des contes extravagants...
Ces vies en panne sèche confondent leurs caractères divers dans la conscience d'un même malheur, catalogue de destinées quelconques rassemblant, à l'envers du tic romanesque, des sujets sans histoire, appartenant à ce côté du monde si commun qu'il arrive qu'on y vive sans y penser.
Une douzaine de récits qui rassemble, dans des décors à la fois proches et différents, des personnages hauts en couleurs, sensibles et discrets que nous croisons souvent sans bien les voir, un raccourci d'humanité. -
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Parvenu au pouvoir en 1876 dans le sang du sultan Abdulaziz, son oncle, assassiné après deux ans de règne, Abdulhamid vécut trente années dans la crainte d'un guet-apens ou d'un attentat, ne quittant sa cité palatiale de Yldiz, sur les hauteurs de Constantinople, que pour se rendre à la prière du vendredi dans une mosquée toute proche. Il répond à ses terreurs par des exécutions sommaires de supposés comploteurs, des hécatombes de hasard, avant de découvrir dans le peuple arménien son ennemi phantasmatique. Il en initiera le massacre, que la junte militaire qui le déposera en 1908 amplifiera jusqu'au génocide de 1915. Il mourra dans son lit en 1917.
En 1898, l'homme de lettres Edmond Fazy, qui vivait à Constantinople, imagine dans quelques pages d'un roman baroque, l'envoi à Constantinople du Père Ubu et de Vacher l'Éventreur, pour liquider le sultan. De la rencontre entre ces deux monstres va naître, sous la plume de Clément Maraud, une pièce burlesque dont l'humour féroce dynamite la cruauté et la bigoterie d'Hamid le fourbe. En prélude au drame, une étude tente de cerner la personnalité d'Hamid le Saigneur, cet assassin méthodique... Une pièce d'actualité dans une période où la Turquie d'Erdogan renoue avec les vieux démons : réislamisation de la société, grignotage des libertés laïques et démocratiques, acharnement contre l'opposition... -
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Taupe vit le jour, et ses périls, sa mère resta dans sa place de domestique jusqu'à ce qu'il fît ses premiers pas, apprit que son engrosseur,un cycle de ses études achevé, avait quitté la ville, obtint de la directionde la Manufacture de reprendre sa placeaux Tabacs, sous la condition, vraiment paternelle,de ne plus se laisser surprendre par des fables,ce qu'elle promit de grand coeur.Pour avoir été naïve,elle y avait gagné le ton de la franchise, usa d'une expression vigoureuse, imagée,qui fit rire les patrons,et s'y tint :Taupe resterait son unique contribution à la propagationde l'espèce humaine.