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Mesures
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Pourquoi traduire Roméo et Juliette ? Tout simplement parce qu'aucun traducteur français à ce jour n'a respecté la forme si particulière de cette pièce qui s'ouvre par un sonnet et se poursuit comme un long poème : tantôt blanc, tantôt rimé, ce vers rapide et tonique qu'est le pentamètre iambique laisse place à quelques scènes en prose - et c'est bien contre la lourdeur de la prose, contre la bêtise, la vulgarité, la noirceur du monde que s'élève ce long chant ciselé à la gloire de la joie et de l'amour.
Ce livre s'inscrit dans la continuité des Sonnets de Shakespeare que nous avons, avec André Markowicz, traduits et publiés pour notre Saison IV.
Françoise Morvan -
Si Léonid Andréïev (1871-1919) fut à son époque, de l'avis général, « l'écrivain le plus connu de son temps, à part Tolstoï », qui le connaît aujourd'hui ?
Il est l'auteur d'une oeuvre gigantesque, multiforme et violente, comprenant une centaine de récits et une quarantaine de pièces, chacune totalement nouvelle, qui furent créées par les plus grands metteurs en scène des années 1910.
Cet insatiable inventeur de formes, cet homme d'une envergure épique et d'un lyrisme exacerbé, est devenu célèbre dans toute la Russie après cette Vie de l'Homme (1907) qui révolutionna les formes du théâtre : jouée la même année par Vsévolod Meyerhold et Konstantin Stanislavski, elle est à la source des grandes aventures théâtrales du XXe siècle.
Effacé en Union soviétique et aujourd'hui encore difficile à trouver en russe, le théâtre d'Andréïev reste un continent à découvrir. -
Daniil Harms (1906-1942) a écrit des proses et des poèmes, dont deux ou trois seulement ont été publiés de son vivant. Victime, comme la plupart de ses amis de la terreur stalinienne, il a été un homme libre.
Ses textes, miraculés, ont été sauvés dans un immeuble en ruines pendant le blocus de Léningrad. Peu à peu diffusés en copies clandestines, ils sont devenus, tout absurdes qu'ils paraissent, les représentations les plus fidèles de leur époque - celle d'un monde d'une violence absolue, sans aucune pitié, sans aucune empathie, où toute vie ne tient que de l'anecdote et l'anecdote devient métaphysique.
On m'a souvent demandé de publier les traductions réunies dans ce livre et très régulièrement jouées sur scène. Les éditions Mesures m'offrent la possibilité de faire connaître ces textes qui sont non seulement des exercices de résistance par l'humour mais des matériaux de théâtre hors du commun.
André Markowicz -
La Folie Tristan, un chef d'oeuvre de la littérature médiévale, met en scène Tristan grimé en fou errant pour voir Iseult retenue par le roi Marc à Tintagel. Refusant de le reconnaître sous son déguisement, Yseult l'amène à dérouler leur histoire, épisode après épisode, comme on fait émerger des eaux profondes de la mémoire la vérité forclose. Le texte, donné en ancien français et en français moderne dans le respect de la forme originale, est suivi du « Lai du chèvrefeuille » de Marie de France, écrit à la fin du XIIe siècle, comme La Folie Tristan.
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Raoul Wallenberg, diplomate sue´dois, a, au pe´ril de sa vie, sauve´ de l'extermination nazie des dizaines de milliers de Juifs de Budapest. A` l'entre´e de l'Arme´e rouge dans la ville, il a e´te´ convoque´ par les autorite´s sovie´tiques et il a disparu. Personne ne sait ce qu'il est devenu. Interdit de sortir d'URSS et de publier ses textes russes, Guennadi Ai¨gui (1934-2006), l'une des plus grandes voix contemporaines de la poe´sie russe, avait traduit en langue tchouvache (sa langue maternelle) une anthologie de la poe´sie hongroise accueillie en Hongrie avec enthousiasme. En 1988, des e´crivains hongrois ont invite´ Ai¨gui a` faire son premier voyage a` l'e´tranger sur les traces des poe`tes qu'il avait traduits. L'extraordinaire monument a` Wallenberg par Imre Varga venait alors d'e^tre inaugure´ : il figure Wallenberg debout entre deux murs de roche, la main droite tendue et baisse´e vers l'avant, dans un geste de protection et d'apaisement. Ainsi est ne´ ce Dernier De´part, comme un cycle de deuil et de douceur : le deuil du ge´nocide juif, le deuil de Wallenberg lui-me^me, unissant les deux terreurs, hitle´rienne et stalinienne, qui ont domine´ le vingtie`me sie`cle, et douceur infinie de l'attention a` l'autre, du sauvetage, au prix me^me de la mort. Andre´ Markowicz
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Assomption évoque ces étés d'enfance au cours desquels tout semblait monter vers les fêtes de l'Assomption et le brasier lancé vers la nuit, puis redescendre vers l'angoisse du départ et l'arrachement au temps, plus violent aux jours de fin d'enfance.
Le livre se place sous le signe du rouge : le rouge du feu, par ces jours d'été voués aux grands travaux dans la campagne et le rouge de la fête foraine, avant la mélancolie de septembre et la certitude d'avoir à partir, laissant à tout jamais les jours de liberté. -
Au début du XXe siècle, Yvonne Kerdudo, née à Ploumilliau en 1878, s'installe dans une petite ville du Trégor intérieur, au nord de la Bretagne. C'est chez elle qu'elle crée un studio où prendre et développer ses photographies sur plaques de verre.
La guerre éclate : les femmes se font photographier avec leurs enfants pour adresser un signe de présence à l'homme parti au front ; les hommes, avant de partir, se font photographier pour laisser un souvenir à leur famille, et ces minces plaques de verre portent toute la mémoire de vies le plus souvent laissées sans nom.
Les soixante images choisies par Françoise Morvan dans cet immense fonds sauvé par miracle forment une fresque où se lit une protestation d'autant plus bouleversante que silencieuse contre la folie de la guerre. Entre poème et prose, les textes offrent un contrepoint à ces images sensibles. -
Vigile de décembre s'inscrit dans un ensemble intitulé Sur champ de sable qui reprend ces thèmes et ces images mais peut être lu de manière indépendante.
Sur champ de sable:
"C'est à partir d'observations qui auraient pu être celles de n'importe qui, pour peu que la mémoire s'empare d'instants inscrits dans l'immédiateté de la présence au monde, que je me suis mise à écrire Sur champ de sable : quelque chose comme une recherche du temps perdu mais sans narrateur, sans je lyrique, sans autre lien que la traversée du temps.
Le livre est sorti d'un rêve qui faisait d'un vieux conte entendu par un jour de neige la matrice d'une vie par la suite diffusée à partir de ces images clés : le blanc d'un jour de neige, le rouge du charbon brûlant dans la salamandre, le noir des branches de cerisier et la transparence d'un jour d'avril après la neige.
Le rouge est revenu sous forme de dominante dans le premier livre, qui évoque ces étés d'enfance au cours desquels tout monte vers les fêtes de l'assomption et le brasier lancé vers la nuit, puis redescend vers l'angoisse du départ, plus violent aux jours de fin d'enfance. Je l'ai intitulé Assomption en jouant sur le double sens du terme.
La transparence froide et trouble s'est imposée pour ces jours d'adolescence qui s'étirent comme autrefois en Bretagne ces journées de lessive au lavoir, brutales et pleines d'une force trop vive, et la moindre parole s'inscrit dans la mémoire comme dans la glace. Le titre, Buée, fait allusion au vieux mot employé pour la lessive.
Par ces automnes noirs de l'âge adulte, la force des trahisons, des angoisses et des disparitions donne l'impression de descendre vers la Toussaint, étrange fête des morts où l'absence est celle même de ceux qui la célèbrent. Brumaire n'évoque pas seulement les brumes de novembre mais aussi la violence du pouvoir à quoi résister.
Enfin, la blancheur de l'âge et celle de ces jours de décembre au cours desquels il faut revenir pour vider une maison d'enfance et en finir avec ses souvenirs se sont assemblées pour donner à Vigile de décembre cette espèce de douceur méditative inspirée aussi par des rituels religieux en voie de disparaître.
Et reste le gris de la poussière sur les couleurs passées des objets que l'on vend aux enchères, vieux jouets, livres d'enfants, vestiges des vieux rêves sortis des contes redits avant même le temps de la mémoire. Ce qui pourrait sembler n'être que l'histoire d'une vie par hasard inscrite à partir d'un lieu sans importance, une vieille maison d'un village de Bretagne, est aussi ce legs d'une inconnue qui a trouvé son héritage dans la poésie baroque et la mise en miroir des images par la rigueur des quatrains, héritage perdu, dont pourtant restent encore des traces comme de ces blasons usés où se voient des symboles sur champ de sable."
Françoise Morvan -
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Le Roi Famine, pièce publiée en 1908, est d'une noirceur absolue. Elle a pour trame la révolte désespérée, impitoyable, des « crève-la-faim » poussés et trahis par un personnage étrange, à la fois provocateur, cynique et empathique, Le Roi Famine.
Interdite à la mise en scène du vivant de son auteur, elle scella néanmoins la rupture d'Andréïev avec le camp révolutionnaire, indigné par le pessimisme de sa danse de mort.
Nous la publions avec les splendides illustrations de l'édition originale d'Evguéni Lanceray et un choix d'esquisses de Serguéï Eisenstein réalisées en 1921 pour une mise en scène qui, elle aussi, allait être interdite.
Cette pièce, au moment où nous la publions, prend un sens encore plus tragique. -
Nous avons traduit Le Maître et Marguerite, le chef d'oeuvre de Boulgakov, aux éditions inculte. Mesures vous propose une pièce, connue sous le nom de La Fuite, mais que nous préférons nommer La Course (le mot russe recouvre les deux notions), - écrite pendant dix ans, toujours remaniée et toujours interdite.
Elle évoque en huit « rêves » la destinée tragique et carnavalesque de Russes blancs qui ont fui la dictature soviétique (le sous-titre original était Les Parias). Au coeur de la pièce se trouve une représentation de leur situation : une course de cafards absurde, ridicule et cruelle qui explique le titre choisi par Boulgakov.
André Markowicz -
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Contes de Bretagne
Françoise Morvan, François-Marie Luzel, Perrine Luzel
- Mesures
- 25 Novembre 2020
- 9782490982097
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Les Editions Mesures poursuivent leur publication du théâtre de Léonid Andréïev, après La Vie de l'Homme. Nous publions deux pièces majeures, jouées par Julien Gosselin à travers la France pendant la saison théâtrale 2021-2022.L'une, Ekatérina Ivanovna (dont ma traduction, publiée chez Corti, était indisponible depuis longtemps) est une pièce dite-réaliste, psychologique : jouée en décembre 1912 au Théâtre d'Art de Moscou, c'est le lent naufrage d'une femme dans une société qui ne peut que sombrer, une pièce d'une cruauté et d'une violence sans concession.Requiem, joué à la fin de l'année 1916, est la dernière pièce d'Andréïev, et c'est, de fait, un requiem son théâtre tout entier : la représentation fantôme d'une pièce fantôme, donnée par des acteurs qui semblent être des ombres à un public de figurines peintes. Une pièce étrange et angoissante, comme le dernier cri d'un monde qui s'engloutit.
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Ce livre, je ne l'ai pas écrit, j'en ai rassemblé les textes et les ai présentés. À la fin du XVIe siècle, entre la Renaissance et le Classicisme, s'ouvre une période miraculeuse de la poésie - une période au cours de laquelle se répondent les voix de ces personnages mystérieux que furent Philippe Desportes, Jacques Davy du Perron, Étienne Jodelle, Agrippa d'Aubigné (pour ne citer que les moins oubliés), le fantasque Vauquelin des Yveteaux, le sarcastique sieur de Sigogne, le sombre Jean-Baptiste Chassignet, puis Étienne Durand et Théophile de Viau, l'un brûlé en place de Grève, l'autre brûlé en effigie avec ses livres...
Engloutis sous les flots d'une poésie prolixe, leurs plus beaux poèmes ont souvent tendance à se perdre, mais, mis en lumière et assemblés, il forment un choeur auquel viennent se joindre les sonnets de Pétrarque, de Shakespeare, de Camoëns et de Garcilaso de la Vega, donnant l'impression de voir naître la plus grande poésie de l'Europe.
Ce livre s'inscrit dans la continuité des Sonnets de Shakespeare, de Roméo et Juliette, de Sur champ de sable et de Pluie, publiés aux éditions Mesures.
Françoise Morvan -
Recueil de poèmes traduits du russe.
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En 1928, Ossip Mandelstam (1891-1938) avait été accusé à tort de plagiat pour une traduction. Il demanda justice et ne trouva qu'indifférence et lâcheté.
Au-delà de ce sinistre épisode, si révélateur du fonctionnement de la machine à broyer qu'était devenue l'institution littéraire de la nouvelle URSS, au-delà même des réflexions sur le monde de l'édition, La Quatrième Prose, que Mandelstam écrivit entre 1930 et 1932 (sans, bien sûr, le moindre espoir de publication), donne à comprendre à quel feu se forge le pouvoir de résistance de la poésie.
C'est à partir de La Quatrième Prose, quand il comprit qu'il ne pouvait avoir aucun rapport avec le monde littéraire soviétique, que Mandelstam se remit à écrire de la poésie. Il n'en avait plus écrit depuis 1925. C'est dans La Quatrième Prose que Boulgakov trouve la langue du personnage central du Maître et Marguerite.
André Markowicz -
Les Douze d'Alexandre Blok, est un poème majeur de la Révolution russe. Alors que j'essayais de le traduire depuis la fin des années 80 sans y arriver, je l'ai traduit grâce à l'impulsion que m'a donnée Christian Olivier (des Têtes Raides), qui est un grand amoureux de la poésie russe et qui prépare un spectacle sur la poésie de la révolution. Du coup, c'est lui qui a fait la maquette, et les illustrations, et, comme nous l'avons proposé pour les Contes de Bretagne avec la voix de Françoise, le livre est complété par un fichier audio, avec sa musique et sa voix, accessible grâce au lien ci-dessous sur les principales plateformes musicales.