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1961 Digital Edition
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C'est lorsque le Quai des Brusques est fermé que l'ambiance y est le plus supportable. Sur le coup des deux heures du matin, par arrêté municipal. Roger rabat les lourds battants de bois massif sur les derniers clients - plus que les fidèles, des intimes - qui ont le droit de commander un dernier verre passée l'heure légale. Découpé dans l'accordéon des volets, un vantail reste bâillant, l'espagnolette en désuétude. Si la patrouille vient à frapper à la porte, l'établissement est officiellement fermé. Il suffit d'arguer alors que « nous sommes entre amis » et de payer son coup à la police ; des habitués. Ça se passe comme ça chez Grazzoni di Borgo, comme dans pas mal d'autres bars de nuit.
Le Quai des Brusques, c'est un bar, un restaurant, une discothèque au sous-sol et ce pourrait être encore bien des choses en somme, pourquoi pas un astrolabe ou une lamaserie ? Pourvu qu'il y ait quelque argent à gagner de la sorte ! Le plus légalement du monde, s'entend... Car son lieu fétiche est surtout la vitrine de mon tonton Tonin, d'une transparence cristalline - il y veille personnellement - et dont la comptabilité s'avère d'une exactitude telle qu'elle suffirait à elle seule à anéantir la théorie de la relativité. Quant à ce qui se passe ailleurs, c'est une autre histoire... -
Nous serons les rois de Marseille
Serge Scotto
- 1961 Digital Edition
- Marseille Connection
- 20 Avril 2013
- 9782368690185
Cela fait cinq mois que ça dure. Nikita jongle avec l'adultère comme un saltimbanque. L'acrobate évolue sans filet sur le fil délicat de la polygamie, qui ne veut pas rompre. Lui, qui se serait imaginé se faisant choper illico, cultive adroitement le mensonge, avec un art consommé, et un malin plaisir... Mais au fond, Nikita ne saurait dire qui, d'Elsa, de Stradi ou de lui-même, il trompe le plus. L'adultère n'est guère une sinécure... Presque un sacerdoce ! Lorsqu'il sourit à l'une, il lui semble qu'elle pourrait lire sur son front le prénom de l'autre. C'est une concentration de chaque instant pour ne pas se tromper de patronyme, se rappeler avec qui il a fait quoi et ne pas s'embrouiller dans un emploi du temps devenu ministériel... Le peu de répit que cette vie lui laisse, Nikita le consacre à la prière, afin qu'Elsa et Stradi ne se croisent jamais. Le plus aléatoire étant d'organiser leurs tours de rôle à la discothèque, un authentique sport cérébral et qui réclame à Nikita des trésors d'invention et de célérité. Il n'avait pourtant pu empêcher qu'un soir où, décidé à souffler un peu, il avait convaincu l'une et l'autre d'aller se faire pendre ailleurs - qui à l'anniversaire d'un copain, qui en week-end à Ménerbes - elles débarquassent par un caprice bien féminin, ensemble sur le quai de Rive-Neuve. Nikita avait par miracle d'abord réussi à les isoler comme deux virus, avant de passer la soirée à un ping-pong épuisant sous l'oeil amusé de son personnel. De guerre lasse, il avait prétexté un malaise auprès d'Elsa pour la planter là, embarquant discrètement Stradi qui se trouvait papoter à la sortie avec Réginald.
- C'est calme ce soir, patron..., avait ironisé Saddam, qu'en bon Oriental la bigamie égayait. Quant au physionomiste, il faisait mine à la moindre occasion de confondre les deux maîtresses de son patron, ce qui avait le don d'agacer Nikita. Lorsque le boss revint du vestiaire pour tendre son blouson à Stradi, Réginald ne faillit pas. -
Pourriture Beach
Patrick Coulomb
- 1961 Digital Edition
- Marseille Connection
- 20 Avril 2013
- 9782368690178
Pas si évident de me remettre d'aplomb après cet entretien avec la police. D'accord, tout ça est resté très gentil et poli mais quand même, quand vous voyez trois fonctionnaires représentant l'ordre et la sécurité publique débarquer chez vous au petit matin, ça vous inciterait volontiers à la méfiance, ou à la peur. Voire à faire remonter à la surface l'angoisse ou la haine de l'ordre établi et de ses contraintes, qui sourd toujours en chacun de nous. Mais évidemment, la police est à la recherche de la vérité, tout comme moi dans cette affaire, et de ça je ne peux pas la blâmer. Même si la vérité n'est pas toujours bonne à dire, et qui sait ce que je vais trouver si j'arrive au bout de mes investigations ? Sicuro, sûr, je le connaissais depuis des lustres Dalban, depuis l'an pèbre, mais qui connait-on en réalité ? Parce que la réalité elle est pas si objective que ça, ou plutôt elle l'est encore plus que ce qu'on imagine, elle est tellement intangible la réalité que selon l'angle sous lequel vous l'observez vous ne voyez pas du tout la même chose. Ce que vous voyez ce n'est qu'une image de la réalité, même ce que vous voyez avec vos propres yeux, rapprochez-vous ou éloignez-vous et l'image change. Pire, si vous portez des lunettes par exemple, enlevez-les : est-ce que la réalité est la même maintenant ? Imaginez, plus fort encore, vous êtes un animal, vous y voyez comment ? En noir et blanc ? Avec les yeux au-dessus de la tête ? Complètement écartés ? A facettes multiples ? Ecco. Et pourtant ce qui est là sous votre regard, quelle que soit la manière dont vous le voyez, c'est toujours la même chose, immuable, et en vérité il nous est impossible de regarder la «vraie vérité», parce que chacun a la sienne. Alors, pensez un peu, l'histoire de Robert, même si on découvre, même si moi je découvre des horreurs, des infamies au sujet de mon ami, comment ma faire une idée objective, qu'est-ce qu'il faudra que j'en pense, où sera la vérité ?
Mais basta, Biagio, arrête avec la philosophie, Roberto è morto et ça c'est un fait intangible, no ? Ah, si, j'en entends qui murmurent «et Dieu ?», Dieu, il y a longtemps que je lui ai réglé son compte à celui-là. Dio... Si il y en avait un vous pensez vraiment qu'on vivrait dans un tel foutoir ? Et tant pis si je fais encore un peu de philo mais ce matin je n'arrive pas à décoller, ils m'ont assis les policiers, ils m'ont laminé la volonté, ils m'ont effacé la mémoire vive, comme diraient mes fils. Non, sans rire, vous avez besoin vous qu'on vous explique pourquoi le monde est là, et qui l'a créé, et pourquoi, etc ? Moi non, c'est pas compliqué, il mondo è qua. Le monde est là. Depuis toujours. C'est pourtant simple à comprendre, il n'a pas été créé, il existe, quelle que soit sa forme (sa vérité) à un moment ou à un autre. E de Dio non c'è ne bisogno, il n'y en a pas besoin pour expliquer ce merdier, on s'est débrouillés tout seuls, et mon ami Robert, lui, il est retourné là d'où il vient, là d'où on vient tous : «poussière, tu n'es que poussière...» -
Anges à tuer, rue Paradis
François Thomazeau, Jean-christophe Duchon-doris
- 1961 Digital Edition
- Marseille Connection
- 20 Décembre 2013
- 9782368690109
Une nouvelle fois une main de fer - ou plutôt de plomb - s'abat sur Marseille. Il ne fait pas bon ces temps-ci s'appeler «Ange» ou par tout autre nom à caractère angélique. Mais qui dessoude les anges rue Paradis et dans les environs ? La police enquête, mais Nero, en charge de d'éclaircir les raisons de cette hécatombe «angevine», n'est pas le seul sur le coup. Depuis son appartement avec vue imprenable sur la cité et les cités, «Super Beurette», une belle et intelligente jeune femme, tente aussi de comprendre. Au coeur de tous les réseaux mafieux et policiers, elle tisse la toile qui devrait lui permettre de saisir le coupable.
Traité sur un mode humoristique et léger, cette enquête de Super Beurette devait être la première d'une série qui n'a finalement pas vu le jour. Elle a été publiée en version papier en 2003 chez L'écailler du Sud. Marseille, toile de fond à la fois intime et photographique, rajoute à l'histoire un supplément d'âme qui ne va pas dans certaines pages sans une certaine mélancolie poétique. -
Ibiza fucking island
Bruno Leydet
- 1961 Digital Edition
- Marseille Connection
- 20 Avril 2013
- 9782368690086
Les transports aériens, c'est encore là où il y aurait le moins à dire ! Le problème est qu'il existe trop peu de destinations à partir de Marseille. Il faut toujours passer par Paris... même pour aller à Marseille, quand on est à Marseille, parfois il faut passer par Paris.
- Vous exagérez, répondit Louise amusée.
- Les marseillais exagèrent toujours.
Il sourit à son tour puis reprit :
- Croyez-moi ! Nous avons eu de la chance de partir pour Ibiza sans passer par Paris.
- Nous passons quand même par Madrid, rétorqua Louise.
Ils attendaient, en effet, sur les banquettes spacieuses de la salle d'embarquement, un avion pour Madrid, annoncé en retard. Ciel mon Madrid ! pourrait-elle s'exclamer lorsque l'avion serait là... Florida s'aperçut que, par deux fois, cette allusion vaudevillesque avait interférée dans sa réflexion depuis qu'il connaissait Louise Townbar. Celle-ci, à ses côtés, émettait, encore et toujours, une vibration de belle femme attirant l'attention. Ses habits et accessoires, toujours à la mode, évitaient toutefois tout mauvais goût. Elle savait aussi se parer d'un détail, imprévu, inédit, comme, aujourd'hui, cette scintillante chaîne de cheville, qui faisait d'elle un être unique en son genre ; ou tout du moins qui en donnait l'illusion. Chez n'importe qui d'autre, à la recherche d'un enfant, peut-être en grand danger, tant de soins, de soucis, d'attentions pour sa personne, auraient paru déplacés. Mais pas chez Louise ! D'autres demeureraient étranglés par l'anxiété ; Louise, elle, ne quittait pas son allure calme et sûre d'elle. Un tel détachement laissait dubitatif autant qu'admiratif. Et que dire de son air « disponible » ! Comme si elle était célibataire ; ou plus exactement que son couple n'était pas une contrainte à un minimum de fidélité. Florida haussa les épaules et pensa qu'après tout, ce n'était peut être qu'un snobisme bourgeois - upper-class pour rester dans un contexte américain - de faire comme si sa vie de couple présentait des failles et des cassures. Peut être fallait-il - pour ne pas sembler béat et idiot - qu'il en paraisse ainsi ?
- Vous pensez que votre mari arrivera à se renseigner ? -
Trystan le conquérant et les Tortues Marines
Frédéric Presles, Vincent Franchi
- 1961 Digital Edition
- 20 Décembre 2012
- 9782368690000
Résumé :
Premier épisode des aventures "Trystan le conquérant"
Parti conquérir l'une des plus belle plage du monde au beau milieu d'un lagon extraordinaire bordé de baobabs géants, Trystan le Conquérant est arrêté dans son élan par un souffle plaintif qui semble l'appeler.
Il va découvrir une tortue marine empêtrée dans les racines de la lisère des bois. Sans lui elle ne peut pas rejoindre les eaux chaudes qu'elle a abandonné uniquement pour pondre ses précieux oeufs.
Comment la tortue remerciera-t-elle son sauveur ?
Trystan sera-t-il conquis par les nouveaux horizons qu'il découvrira grâce à elle ?
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Trystan le Conquérant chez les Massais
Frédéric Presles, Vincent Franchi
- 1961 Digital Edition
- 25 Mai 2013
- 9782368690024
Résumé
Deuxième épisode des aventures de "Trystan le conquérant"
Lorsqu'il arrive sur les hauts plateaux du coeur de l'Afrique, Trystan le Conquérant ouvre les yeux comme des billes....Comme toujours, lorsqu'il arrive au bord d'une nouvelle découverte, notre héros est émerveillé. Ici au milieu de la savane au coeur du pays Massaï, il s'apprête à commettre une grosse bêtise ! Se jeter dans la gueule du LION !
Heureusement qu'Anyango, le petit Massaï décide de le sauver et de le guider en se faufilant au milieu des hautes herbes, évitant les animaux sauvages en faisant de multiples détours pour l'inviter chez lui.
Dans la savane la ligne droite n'est pas forcément le chemin le plus court !
Zèbres, lions, hippopotames, girafes sont sur le chemin de Trystan le Conquérant... il va même croiser des vaches dans ces plaines qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à celle du centre de la France... et pourtant que de différences et de rencontres inoubliables !
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Résumé :
Bande dessinée Sea Shepherd "Mission Antarctique" du Capitaine Paul Watson et Dominique Serafini
BD numérique enrichie de 22 bonus films.
Un récit inspiré par les expéditions du Capitaine Paul Watson et Sea Shepherd Conservation Society.
MISSION ANTARCTIQUE est inspirée par les missions réelles menées par le capitaine PAUL WATSON et les volontaires de l'Organisation SEA SHEPHERD.
L'histoire de leur combat pour sauver les baleines pourchassées en Antarctique par les baleiniers Japonais.
Le personnage principal, le capitaine PAUL WATSON, l'un des membres fondateurs de GREENPEACE, a quitté cette organisation pour mener, avec SEA SHEPHERD, des combats plus radicaux contre les braconniers qui pillent les ressources naturelles de la planète.
Après avoir navigué à bord de la Calypso avec le commandant Cousteau pour réaliser la fameuse série « L'Aventure de l'Equipe Cousteau, DOMINIQUE SERAFINI a quitté son voilier et reprend planche à dessins et pinceaux pour repartir à l'aventure, avec l'équipe de SEA SHEPHERD...
On retrouve tout le long de la bande dessinée 22 bonus vidéos qui permettent de découvrir non seulement qui sont Paul Watson et Dominique Sérafini, mais aussi de voir dans leur milieu naturel les animaux dessinés par Dominique pour son histoire.
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Extrait
1
- Ecoute, si tu ne veux rien faire pour t'en sortir, je ne vois pas d'autre solution... il faut qu'on se sépare... dit-elle avec cet air froid, tout en modération, que prennent parfois les femmes à la venue d'une petite contrariété.
-... et si tu me disais ce qui ne va pas, plutôt ? je réplique en bâillant, en me grattant l'oreille, et avant d'ajouter :
- Un sucre, ou alors plutôt deux, dans ton café, mon canard ?
Mon attention est attirée par le bougainvillier de la terrasse. Le pauvre n'a pas l'air en grande forme. Pourtant, l'arrosage que je lui prodigue est régulier, et le fond de l'air est doux. Les cigales jouent même de la cymbale pour lui tenir compagnie.
Je touille lentement mon café, histoire de me laisser le temps de la réflexion. Honnêtement, rien ne me semble justifier un début de dispute de si bon matin. Ma foi, depuis trois mois, depuis que je la fréquente, je me suis tenu à carreaux. Non, je vous jure, depuis mon arrivée à Marseille, je suis sage comme une image.
Cela m'a pris un beau matin. J'ai changé de numéro de téléphone, emprunté un peu d'argent à droite à gauche, embauché des déménageurs - et quitté la Bretagne et son crachin nostalgique. Rennes, la rue de la soif, la place Sainte-Anne, la place des Lices, les Punks à chiens, tout ça, ok. C'est sympa, faut avouer. Mais uniquement en cas de penchant prononcé pour les ruelles désertes à la tombée de la nuit, le chouchen à fortes doses, les korrigans, les romans noirs et les histoires sentimentales foireuses basées sur le principe de l'éternel retour. Et justement, j'avais décidé de cesser de m'engluer dans le rôle d'amant épisodique et particulier, de confident sur l'oreiller des histoires de culs de Lou-Anne, mon ex, la mère de mon fils. Tant pis pour Lucas. C'est dur, je sais. Allez, ne vous gênez pas, dites-le, que c'est monstrueux, d'abandonner un enfant. De le laisser entre les mains d'une femme dont on sait pertinemment qu'elle ne fera rien, sur la durée, pour l'empêcher d'écouter Orelsan ou de regarder « Un dîner presque parfait ». Mais je n'avais pas le choix. Il y allait de ma santé mentale. Je devais me soustraire à l'influence néfaste de Lou-Anne sur mon moral. Vous savez de quoi je parle. Vous savez par où certaines femmes nous tiennent. Ne jouez pas les innocents. Y compris vous, les filles. Vous savez ce que nous sommes capables d'endurer pour pouvoir vous arracher une fois encore le string avec les dents de devant. En tout cas Lou, elle, le savait.
N'imaginez pas que cela ne m'a pas fendu le coeur. Seulement, vu l'état de délabrement psychologique/alcoolique dans lequel cette histoire m'avait laissé, je n'étais pas dupe : procédurière comme elle l'était, Lou m'aurait mis à genoux juridiquement avant même que j'ai le temps d'esquisser le moindre mouvement. Quand il est question de mordre, cette fille ne fait pas de quartier. Alors, plutôt que de déguster la poussière, j'avais mis les voiles. Cap au sud. Et Rose le grappin sur moi à la bibliothèque municipale de Marseille, à l'Alcazar, alors que je cherchais de quoi me remonter le moral au rayon rock international.
Dès le départ, cette fille m'avait intrigué. Nous nous étions croisés devant les Led Zeppelin, puis de nouveau devant les Frank Zappa. Je n'y avais pas vraiment prêté attention, mais là, alors que j'examinais un coffret de l'intégrale des Cramps, elle s'était plantée à mes côtés en soupirant à cause de la chaleur et du manque de climatisation. Dès lors, il paraissait évident qu'elle avait fait exprès de laisser tomber à mes pieds cette pile de Cd's des Béruriers noirs. Je veux bien être naïf, mais il y a des limites.
En me relevant après avoir ramassé les Cd's, je m'étais attardé à hauteur de ses hanches. Des hanches à la Courbet, à vous donner des envies de procréation instantanée. Quant à ses seins, du Nougaro, carrément. Expansifs, larges, accueillants. Toulousains. Pour couronner le tout, elle portait des talons et une robe noire cintrée, style années vingt. Une véritable dégaine d'électrice du Front de Gauche buveuse de vin rouge sur le canal Saint-Martin. Le fantasme du bobo moderne par excellence. A l'instinct, mu par mes pulsions libidineuses, je m'étais donc lancé entre deux rayonnages dans une virulente diatribe antimondialiste en citant Noam Chomsky. Bingo ! Elle s'était aussitôt caressée le ventre en décriant le manque de renouvellement révolutionnaire de l'époque. Enhardie, elle m'avait même invité sur le champ à boire un verre. Histoire de poursuivre la conversation. Ladite conversation s'étant bien sûr, comme il se doit entre trentenaires sexuellement paumés, poursuivit jusqu'à son lit. Quelle époque formidable. Pour un écrivain lucide dans la force de l'âge, s'entend. Car soyons francs. Pour l'immense majorité des autres, il ne suffira pas, pour combattre l'angoisse sentimentalo-existentielle inhérente au nouveau siècle, de l'ironie post-seventies des bd's de Begaudeau dans Libé, ni de faire des gamins. J'en ai peur.
Mais bref, Rose, toute dévouée à l'étude de mes névroses, semblait ravie de fréquenter un artiste écorché vif. Après des mois passés à me débattre au sein d'un amour addictif aussi passionnel que destructeur, je ne pouvais rêver meilleur pansement. Ce pourquoi j'avais laissé les choses couler, et notre relation évoluer au fil des semaines de vernissages arty en bienséance de cinéma. Et depuis, comme je vous disais, je suis resté absolument monogame. Excepté, certes, en fantasmes. Principalement - c'est curieux - des fantasmes compensatoires ayant pour objet ma référente du pôle emploi. Seulement un fantasme n'a pas la possibilité d'interférer dans la vie courante de l'onaniste par le biais d'Internet, d'un Sms - ni même en dernier recours du tri postal. Pas que je sache.
Pour m'expliquer la mauvaise humeur de Rose, je n'aboutis donc à aucune conclusion satisfaisant ma raison. Je me retrouve incapable de faire face à un état impossible, sinon à analyser comme étant un inquiétant début de névrose. Car enfin. Pour ma part tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible et imaginable :
Primo, pour ne pas effaroucher un coeur peu habitué aux débordements émotionnels, j'ai diminué de manière substantielle ma consommation matinale de vin blanc sucré ordinaire.
Secundo, lorsque Rose est dans les parages je n'invite plus les piliers de zinc de « La relève » - le bar de mon nouveau quartier, dans le septième arrondissement - à venir écouter de la musique à la maison jusqu'à pas d'heures.
Tertio, suite à la réapparition de Nicolas Van den Berg dans ma vie je lui ai prouvé, ces dernières semaines, ma capacité à me comporter en être sociable et civilisé.
En effet je l'ignorais en tout avant mon arrivée mais mon oncle avait récemment décidé, lui aussi, de poser ses valises diplomatiques dans la région PACA. Et comment vous dire ? Malgré son long exil aux Etats-Unis il ne s'en trouvait pas pour autant, de retour sur le plancher de la mère patrie et de ses vaches, parmi les plus mal lotis. Evoluant dans les hautes sphères internationales depuis les années quatre-vingt et le mythe du Yuppie propagandé façon Assas, Nicolas Van den Berg faisait pour tout dire partie d'une sorte d'élite. Celle dont les membres ont les moyens d'acquérir en un temps record et en cash une villa de deux étages à Sanary. Ceci étant signalé à titre de simple d'exemple afin de planter le décor. J'étofferais le personnage par la suite. Vous verrez, vous ne serez pas déçus. Pour le moment, contentez-vous d'imaginer une sorte de Booba ayant fait des études de droits, et de transposer les outrages supportés par la musique à l'économie mondiale.
Il y a une semaine de cela, un lundi de bon matin vers treize heures, mon portable avait sonné. J'avais décroché pour apprendre que Nicolas van den Berg, non content de s'être procuré mon nouveau numéro auprès de ma mère, s'était également mis en tête, depuis le récent décès de ma Grand-mère, de sauver ma vie de ce qu'il considérait frôler la finitude de la loose.
Mon aïeule était une femme formidable.
Je l'affirme sans la moindre ironie. Soucieuse de mon avenir au seuil du grand voyage, elle avait donc fait promettre au plus riche de ses fils de ne jamais me laisser tomber. De toute évidence l'heure avait sonné pour mon oncle de tenir sa promesse, et de me venir en aide. Profond élan spontané de solidarité familiale donnant peu ou prou, une fois traduit dans le langage courant du financier forcené :
- Mon coco, fini les conneries. A un moment donné il faut bien que quelqu'un se charge de combler les failles inhérentes à l'éducation laxiste que t'ont prodiguée tes parents.
Ce à quoi j'avais répondu :
- J'aurais préféré un mandat cash.
Mais mon oncle n'était pas du genre à se laisser démonter si facilement.
- Bien. Je suis ravi de constater que tu n'as rien perdu de ton humour. Maintenant, si tu peux m'épargner le côté adolescent attardé post soixante-huitard, je préfère... Bon, à ce que j'en sais tu roules toujours pas sur l'or, pas vrai ?...Alors écoute, je veux bien t'aider... mais je te préviens : si je prends mon téléphone pour faire bouger deux trois amis à la mairie, j'ai besoin d'être sûr que tu ne vas pas tout me foutre en l'air par-derrière... C'est mon nom et ma réputation que j'engage, tu me suis ? A ce propos, avec la picole, t'en es où, mon petit lapin ?
Ben honnêtement, de ce côté-là ça va, tonton...J'encaisse pas aussi bien qu'un ministre, mais je pense être capable de faire rouler un député sous la table sans trop de problèmes...
Une longue minute supplémentaire de ce ping-pong verbal et Nicolas Van den Berg, dans un soupir blasé, avait fini par sortir l'artillerie lourde :
Savais-je que, pas plus tard que ce midi, il déjeunait encore en compagnie du directoire d'MP2013 ? Ainsi qu'avec le Maire lui-même ? Le MUCEM, avais-je seulement entendu parler du MUCEM ? Comprenais-je ses paroles ? Etais-je, oui ou non, d'accord pour cesser un instant avec le mauvais esprit ? Il était essentiel pour moi de prendre conscience que l'occasion offerte de me faire un nom ne se présenterait peut-être pas deux fois.
S'en était suivi un laïus bien rodé sur l'effervescence de la ville à l'occasion de l'ouverture de Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture. La cité phocéenne n'en était qu'aux prémices de ses mutations et il s'agissait pour moi, blablabla, cette année, blablablé, de faire mes preuves. D'établir une stratégie. D'entrer dans la course. D'investir le terrain. De poser des jalons. De planter des graines.
Si la teneur exacte de son propos, à la fin de sa tirade, ne m'apparaissait pas clairement - me proposait-il d'embrasser une carrière de coureur cycliste de maçon ou de jardinier ?- j'hésitais néanmoins à applaudir ses talents de coach entrepreneurial. Car une chose ne souffrait pas le moindre doute : Nicolas Van den Berg se proposait bel et bien de m'inculquer la culture réseau comme l'on emmènerait un puceau voir les filles.
Par curiosité ontologique - ou érotomanie particulière - je fis semblant de me laisser convaincre. Rendez-vous fut donc pris pour le soir même à 19 h face à l'hôtel de ville et, une fois sacrifié aux rituels des retrouvailles (- Bon Dieu, Nicolas, mais c'est tout simplement MAGIQUE !! Tu sais que tu RAJEUNIS ??), j'eu dans un premier temps la sensation de m'en être plutôt bien tiré.
En effet, après avoir tendu à l'hôtesse d'accueil en minijupe et talons hauts (une véritable bombe) le carton d'invitation préalablement fourni, tout au long de l'allocution du président de région j'étais resté à la limite de la rêverie éveillée - frôlant même par instants le zen. Pour avoir pris exemple au fil des minutes sur l'attitude pénétrée adoptée par mon oncle, j'avais de bonnes raisons d'imaginer mon évanescence comme ayant été aussi professionnelle que la sienne.
A la fin du discours, brutalement réveillé par les premiers applaudissements, j'avais décroisé les bras et profité de la légère ondulation des corps pour reluquer les jambes de ma plus proche voisine, une quadra à l'acmé de sa sensualité volontaire décomplexée. Selon toute vraisemblance une arriviste de l'UMP. La voyant elle aussi sortir péniblement de ses songes j'avais tenté un :
- Ah non, vraiment, quel orateur ! Il nous a emmenés loin, vous n'êtes pas d'accord ?
C'est à peine si elle avait esquissé un sourire poli avant de se lever pour se diriger vers le buffet. Du lourd. Du trop lourd pour moi. Qu'importe, lui emboîtant le pas je vidais moi aussi un verre de Bandol. Puis j'en demandais un second, avant d'empocher une demi-douzaine de stylos-billes estampillés MP2013. Les temps sont durs pour les misérables. Poussé par la hardiesse ressentie à l'approche de la libération, je concédais même à Nicolas Van den Berg une petite séance de serrage de louches, naïvement persuadé que nous allions en rester là.
Mon cul.
-
Extrait
1. MANI
Mani a débarqué un jeudi de février. Ils étaient cinq à descendre de la navette, cinq passagers, glacés par un mistral vicieux, bousculés par une mer mauvaise. Mani n'était pas un touriste. Et nous connaissions les quatre autres. L'homme était sans âge. Il portait ses soixante deux ans comme un quadragénaire usé. Solide, svelte, bizarrement vouté, comme plombé par une charge émotionnelle inaltérable. Son visage n'exprimait aucune tristesse, aucune joie non plus. Le tourment était plus profond. Ses yeux d'un bleu sibérien attiraient l'attention comme le signal d'un phare dans une mer houleuse. Sa silhouette était engourdie par un caban épais et un maigre sac à dos patiné par des années de vadrouille. Une fine bague en argent enserrait son majeur gauche, sa seule fantaisie. Il a parcouru le quai, sans un regard vers les terrasses closes. Sur notre ile, l'hiver n'est pas propice aux activités touristiques, et encore moins aux villégiatures gourmandes. Mani a eu un seul coup d'oeil vers l'ancienne chapelle, ce bizarre parallélépipède à l'allure de temple grec de kermesse surmonté de sa croix anachronique. Il a grimacé, de cette moue qu'ont les mécréants à la moindre trace de hiératique.
Mani est resté un long moment immobile sur le quai. Il ne regardait pas les bateaux amarrés là, ni les tours arrondies des geôles de l'ile d'If comme le font tous les visiteurs qui mettent un pied au Frioul pour la première fois. Non. Mani se nourrissait de l'ambiance si particulière de notre bout de monde atypique. Il semblait se charger de cette énergie insulaire qui nous garde ici, rebelles et sereins sur notre rocher. Puis Mani est monté sur la digue Berry, grimpant l'escalier d'un pas assuré. Là, planté entre les deux iles de notre archipel, il a observé l'horizon, vers l'ouest, avant de revenir fixer son attention à l'opposé, sur Marseille, au delà de la forteresse d'If. De l'autre côté de la passe, les immeubles de la colline de la Garde se détachaient sur un ciel pale, le soleil pourtant éclatant n'arrivait pas à réchauffer l'atmosphère. Les éléments étaient plus forts. Les rafales vicieuses ne le perturbait pas. Quelques mèches grises en désordre raidies par les embruns voletaient sur son crane dégarni.
Que cherchait-il ? Les photographes de passages sont toujours encombrés de technologie, comme les randonneurs du dimanche sont bardés de matériel sophistiqué, fin prêts à gravir les 75 mètres vers le fort de Ratonneau, leur nouvel Annapurna. Mani n'était ni coureur de sommets, ni chasseur d'images. Un chasseur, sans doute. Un chasseur affuté, il en avait l'attitude. Les reflexes, aussi. Un merle bleu l'a frôlé, il aurait pu l'attraper, au vol. Nous l'avons vu se raidir, tendre la main, l'écarter juste avant l'impact. L'oiseau a continué sa route. Mani a réfléchi quelques secondes avant de reprendre la sienne. Il a disparu vers les hauteurs de Pomègues.
Mani a parcouru l'ile sauvage d'un pas assuré, poussant jusqu'à la pointe du cap Cavaux. Il a crapahuté sur les roches de Carapègue, s'est laissé un long temps de contemplation, les jambes tanquées sur les toits des casemates de la batterie en ruine. Loin, l'ile Maire pointait son contrejour, la rade sud de Marseille se prélassait au pied de ses montagnes. Marseilleveyre veillait, le mont Carpiagne en sentinelle. Une mouette s'est posée, à proximité. Il a tiqué, puis est reparti aussitôt, mais sans hâte. Il marchait. Il déambulait. Il semblait étudier tous les chaos, tous les chemins, appréciait le moindre dévers. Il n'est revenu vers le port que bien plus tard.
Le soleil déclinait. Mani est repassé devant le seul bar ouvert du petit port, nous y étions rassemblés autour d'alcools plus ou moins forts. Nous l'avons vu repartir vers l'embarcadère. Ce curieux visiteur nous quittait, l'heure de la dernière navette vers la terre ferme approchait. A notre grand étonnement, il a filé droit vers Saint Estève, vers le bout de l'autre ile, là où se dresse l'hôpital Caroline. Nous avons vu son ombre disparaitre sur le chemin. Un désespéré ? Peut-être... Nous n'aurions pas été plus étonné de retrouver son corps flottant dans la calanque de l'Eoube le lendemain matin. La nuit est tombée, personne n'a évoqué le destin du chasseur aux yeux bleus. Tout le monde y pensait.
Lorsque le soleil s'est pointé, loin derrière les sommets de la Gineste, le lendemain matin, une silhouette attendait, assise à la terrasse d'un des restaurants fermés du petit port. L'homme s'est redressé, nous a gratifié d'un sourire humble et sincère. Il n'avait l'air ni fatigué, ni frigorifié. Ni la nuit, ni le mistral glacial n'avait altéré son élocution ; il nous a simplement abordé avec ces quelques mots : «bonjour, je m'appelle Mani, je vais rester quelques temps ici, sur l'ile, avec vous».
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Extrait
Un
Le regard acrimonieux de Louise Townbar faisait mal à William Florida. Non, il n'aurait jamais souhaité entrer en conflit avec cette femme qu'il appréciait à tous les points de vue. Il se souvenait de leur étreinte, au pied du moulin à vent, à San Antonio sur l'île d'Ibiza... Quel souvenir ! Peut-être le meilleur de sa vie sexuelle !... Pourtant, dans ce tribunal, la main sur la barre, Louise, au bras de son mari, lui jetait des oeillades acerbes et agressives. Dans le fond, c'était compréhensible... Le «defective detective», c'était lui ! L'avocat des époux Townbar ne disait pas autre chose que ça :
«Monsieur le Juge, William Florida, ici présent, ne mérite aucune indulgence de votre tribunal. La tâche est aisée pour moi : je n'aurais pas besoin de longs discours ni de rhétorique... Les faits parlent d'eux-mêmes, Monsieur le Juge... Je vais les exposer dans leur plus brute factualité ; ainsi que dans leur plus brute actualité, dois-je ajouter...»
L'avocat s'interrompit en expert de la prise de parole en public pour que son auditoire ait le temps d'apprécier son jeu de mots. Lorsqu'il jugea que le silence qu'il imposait au tribunal allait devenir importun s'il se prolongeait, il reprit sa plaidoirie.
«Monsieur et Madame Townbar, ici présents, inquiets de la disparition de leur fille Holly, engagent Monsieur William Florida, en tant que détective privé et gérant du bureau «William Florida Investigations» dont le siège social est sis à Marseille, Vieux-Port. Au début, tout se passe bien... Il en est souvent ainsi, Monsieur le Juge, avec ceux qui finissent par poser des problèmes... Au début, tout se passe toujours bien !... William Florida à qui l'on vient de confier une affaire aussi importante que difficile se révèle un professionnel dévoué et consciencieux. Il faut l'admettre... On pourrait même dire un peu trop dévoué et un peu trop consciencieux car il fait preuve d'une attention particulièrement attentive - si vous voyez ce que je veux dire - à l'égard de Madame Louise Townbar. Mais je n'épiloguerai pas sur ce thème car ce n'est pas ce qui nous préoccupe. L'honneur et la vertu de madame Townbar ne sont pas en cause... Dieu merci ! L'enquête progresse donc et amène William Florida accompagné de Madame Townbar sur l'île d'Ibiza en Espagne. Le dénouement est proche ; William Florida le confie d'ailleurs à Madame Townbar... Il affirme qu'il est sur le point de retrouver sa fille Holly. Et ne voilà-t-il pas, d'une manière aussi inattendue qu'imprévisible, que Florida s'évanouit dans la nature et regagne Marseille, sans avertir personne et encore moins ses commanditaires. Représentez-vous, Monsieur le Juge, que ce détective indélicat a déjà encaissé sans vergogne les honoraires versés par monsieur Hugh Townbar ici présent...»
L'avocat s'interrompit, se dressa sur ses ergots et gratifia la cour d'une oeillade qui aurait pu être complice si elle n'avait été seulement douceâtre. Puis il poursuivit en prenant soin d'agiter ses manches et de moduler ses intonations de voix.
«Comment appeler cela autrement qu'une faute professionnelle ?... C'est la question que je vous pose, Monsieur le Juge ! Comment appeler cela autrement qu'une faute professionnelle ?... Oui, je le dis et le répète ; une faute professionnelle... Et je dis même mieux : une faute professionnelle qui engage la responsabilité professionnelle de William Florida. Et qu'il convient de sanctionner d'une manière stricte et définitive... Car si les professionnels que nous engageons ne respectent pas leur contrat... Où allons-nous, Monsieur le Juge ?... Où allons-nous, nous ?»
Pendant que l'avocat déblatérait, Florida repensait à Ibiza et aux émotions qu'il avait éprouvées sur l'île blanche. Qu'est-ce que cette chiffe molle d'avocat pouvait bien y entendre en matière d'émotion ; lui qui n'avait que la collecte de l'euro comme moteur de recherche ? Certes, Florida avait disparu sans explications, laissant ses clients dans le doute et l'expectative. Mais il l'avait fait pour la bonne cause ; pour préserver Holly et son Armando... L'Amour ! L'Amour toujours !... Defective detective, oui ! Mais sentimental détective aussi... Son avocat, le célèbre Maître Buzzutil, axa d'ailleurs sa plaidoirie sur ce thème-là. L'attitude - certes inexcusable - de William Florida n'était justifiée que par son désir de protéger Holly Townbar, la propre fille de ce couple, et de lui permettre de vivre en paix ; le temps au moins que certaines affaires se tassent.
«Monsieur le Juge, s'égosillait Maître Buzzutil, parfois, la résolution d'une enquête est qu'elle ne soit pas résolue ; son résultat est qu'il n'existe point de résultat ; sa solution réside dans l'absence de solution... L'issue reste sans issue ; l'achèvement s'achève en inachèvement ; la fin n'en finit pas de finir et par-dessus tout, la réussite implique de ne pas réussir... Et permettez-moi de citer le grand écrivain Gérard de Nerval qui soutenait que «les dénouements n'existent qu'au théâtre et pas dans la réalité». Oui, Monsieur le Juge, cela vous paraît difficile à entendre, mais je sais, moi, que William Florida s'est trouvé en face d'un dilemme et, en son âme et conscience, il a décidé qu'il devait taire ce qu'il avait découvert. Il a écrit aux époux Townbar pour les rassurer quant à la bonne santé de leur fille Holly... Et celle-ci - William Florida le certifie - entrera sous peu en contact avec sa famille et leur expliquera tout... Alors si nous comprenons tous, le ressentiment de monsieur et madame Townbar, ne jetons pas la pierre à William Florida sans faire un effort de compréhension...»
Buzzutil s'exprima encore longuement avec cette verve ampoulée qui avait fait sa réputation avant de devenir son fonds de commerce. Quant il termina sa plaidoirie, le juge arborait toujours le même visage inexpressif, lisse comme une toile cirée, qu'il n'avait pas quitté depuis son entrée dans le tribunal. Personne n'était en mesure d'affirmer avec certitude s'il avait vraiment écouté les plaideurs ou avait rêvassé durant l'audience à ses prochaines vacances ou sur le costume Kenzo qu'il avait vu en vitrine dans un magasin de la rue Saint Ferréol et qu'il lui plairait bien d'acheter. Toutefois, il annonça avec détermination que l'affaire était mise en délibéré.
William Florida et son avocat discutèrent de longues minutes, dans le parc du Palais de Justice. Buzzutil le regard sombre, affirma que le tribunal ne lui décernerait pas de médailles. Il pouvait s'y attendre ; ou en d'autres termes, son porte-monnaie serait fortement sollicité. Dommages et intérêts, amendes... Peut-être même prison avec sursis. William Florida n'avait pas besoin de ça. Déjà que ses ennuis d'argent lui imposaient l'insomnie permanente, qu'en serait-il lorsqu'il serait condamné à payer, sans délais, sans sommation, sans indulgence, sans bienveillance, sans gentillesse, sans compréhension, sans miséricorde, sans pitié, sans compassion... Ici et maintenant ! Tout de suite ! Dans l'instant même ! Sur le champ ! Séance tenante ! Au cul du camion !... Même sans posséder le moindre centime de la somme qu'on lui réclamerait... Tout cela l'embarrassait au plus haut point. Dommage car depuis son retour d'Ibiza l'inspiration littéraire s'était mise à le titiller. L'idée d'écrire un roman inspiré de ce qu'il avait vécu s'était imposée. Il avait commencé à griffonner une trentaine de pages, sous le titre de Ibiza Fucking Island... Hélas, dès que la menace d'un procès se transforma en certitude, son inspiration se raréfia de façon drastique. Pour une fois qu'il tenait une bonne histoire, basée sur du vécu de surcroît ; c'est-à-dire du solide ! Un roman existentiel, dans lequel, il aurait pu s'écarter des dramaturgies traditionnelles des histoires à suspense, en abordant des thèmes profonds comme l'amour et surtout le droit à la différence... Mais au lieu de s'envoler enfin vers la rédaction d'un texte publiable, Florida se retrouvait empêtré dans les affres d'un procès, égaré dans les chicanes de la justice, voué aux gémonies des procédures... Il remarqua tout à coup que dans procédure il y a ordure, et dans procédurier, ordurier ! Les gens qui font des procès sont, par nature, des orduriers qui apprécient de se vautrer dans les ordures. Penser ainsi ternissait l'image qu'il avait entretenue de Louise Townbar ; même si, pour se consoler, il se disait que son mari était, en vérité, l'instigateur de l'inquisition. Dommage ! Vraiment dommage !... Car il regrettait l'amertume de Louise à son égard. Oh oui ! Comme il déplorait lui inspirer tout ce ressentiment ! Cette femme était la dernière avec laquelle il voulait être ennemi. Parce qu'il l'avait aimé, Louise... Certes il s'agissait d'un amour d'adulte (adultère même pour appeler un chat un chat) ; c'est-à-dire non dupe de son caractère aussi éphémère que dérisoire. Mais quoi !... Des sentiments avaient été éprouvés tout de même ; de vrais sentiments !... Et puis, elle l'avait excité ! Il avait aimé son corps si entretenu ; son style vestimentaire chic et sophistiqué et surtout sa voix... Chaude, sensuelle, abrasive... Mais aussi apaisante et suave... Cette voix qu'il aurait pu écouter pendant des heures sans se soucier du sens des paroles prononcées. Cette voix qui charmait plus qu'elle ne communiquait. Non, vraiment, il n'appréciait pas du tout de devoir s'opposer à cette femme. Même s'il comprenait qu'elle lui en veuille.
William Florida quitta l'avocat devant l'entrée du parking Monthyon puis descendit d'un pas nonchalant la rue Breteuil, jusqu'au Vieux-Port. Il rentrait chez lui, soucieux, préoccupé, mal à l'aise... Lorsqu'il fut devant son ordinateur, il referma tout d'abord la page «Ibiza Fucking Island». Il ne pourrait plus rien écrire là-dessus tant que ce maudit contentieux avec les époux Townbar ne serait pas réglé. Il exhuma alors un très vieux dossier des oubliettes de son logiciel ; une fiction débutée il y a longtemps, mais laissée depuis à l'abandon. Cette histoire affichait le titre suivant : «Goudes-Baille». Florida avait imaginé une ligne de bus imaginaire entre le quartier des Goudes et celui de Baille (ce qui lui permettait un de ces jeux de mots dont les éditeurs de polars marseillais raffolent). Des meurtres inexplicables se produisaient sur ce parcours avec dans le rôle du tueur psychopathe : Louise la Gynécologue, ce personnage conceptualisé durant son odyssée à Ibiza et caractérisé aujourd'hui par une obsession pathologique des transports en commun. La résultante de ce salmigondis amphigourique était une enquête policière des plus tarabiscotées ; une de celles que les éditeurs soulignent en inscrivant, en lettres tremblotantes, la plupart du temps, en haut de la première de couverture, le mot «thriller». Ouais, ce n'était pas de très bon goût ; il devait l'admettre. Mais, peut-être que s'il reprenait la rédaction de ce roman en se concentrant sur le «voyage» que représente un déplacement en bus dans Marseille, il retrouverait l'excitation littéraire du Cervantès décrivant l'errance de son héros chevalier. Car, il faut le rappeler, William Florida demeurait à la recherche de la littérature avec l'obstination de Don Quixote pour Dulcinea del Toboso. Il allait se mettre à écrire lorsque son téléphone sonna. Une voix masculine, colorée d'accent marseillais l'apostropha :
- William Florida ?
- En personne.
- Je voudrais prendre rendez-vous.
Florida soupira car il devait pour aller chercher son agenda «traverser son traversant»... Cela l'amusa. Toutefois, l'appartement de Florida était fait de cette façon : l'espace littérature donnait vue sur le Vieux-Port et l'espace professionnel sur le clocher des Accoules. Donc pour aller chercher son agenda, il devait forcément quitter la pièce où il écrivait. En l'occurrence : «traverser son traversant» ! S'interrompre dans son écriture ne le dérangeait pas. Car il n'écrivait pas, mais se défoulait plutôt, sur son histoire pusillanime de ligne de bus entre les Goudes et le quartier Baille... Il demanda à son interlocuteur de patienter puis se dirigea vers son bureau de détective où il agrippa son téléphone à fourche - une imitation du modèle Grammont de 1920 - tout en se reprochant de ne l'avoir toujours pas remplacé par un appareil plus moderne.
- Alors !... Quand puis-je venir ? Résonna dans l'écouteur la voix ambrée de sonorités massaliotes.
En vérité l'agenda de William Florida était vierge. Dilemme donc ! Devait-il accorder un prompt rendez-vous ou jouer au professionnel débordé et peu disponible ?... Il préféra la première solution. Il n'était pas d'humeur à feindre.
- Demain, si vous le souhaitez.
- Parfait !
- Fin de matinée ou début d'après-midi ?
- Fin de matinée, répondit la voix ensoleillée. Comme ça, nous prendrons le pastis, en bas de chez vous... Sur le Vieux-Port, en regardant la mer...
William Florida tiqua... Quelle familiarité ! Mais les Marseillais sont comme ça. Tout de suite d'une initiale intimité (ou inimitié), qui ne changera jamais plus ; comme si la première rencontre était aussi la dernière. Florida raccrocha et décida de rester sur le sillage professionnel - et prometteur - de ce coup de fil ; sans doute le seul événement favorable de cette fichue journée.
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Extrait
Chapitre 1
Le malheur frappe toujours à la même porte. Il est né cinquante ans auparavant à Septèmes-les-Vallons, petit bourg provençal au pied de la chaîne de l'Etoile et situé à quelques enjambées de la cité phocéenne. De ses premiers pas à sa montée à Paris, il ne l'a pas quitté.
Il y a vécu une jeunesse pleine d'insouciance et d'aventures comme son premier béguin qu'il a embrassé derrière la vieille église, rebaptisée par la municipalité ancrée bien à gauche : Centre culturel Louis Aragon ; ça ne s'invente pas ! Fallait oser. Sur cette terre méridionale, la nature ne souffre pas trop de l'hiver : elle l'apprivoise, joue avec, s'adapte. Le soleil comparse de toujours se montre magnanime tout au long de ces temps frileux. Il réchauffe les collines et les garrigues dépoussiérées par un mistral omniprésent.
Ici, les chênes verts, les pins, les oliviers, les genêts et bien d'autres règnent en maîtres absolus ; le décor souffrirait de leur absence. Ces végétaux ne se départent jamais de leurs feuilles d'où la perception d'une éternelle année lumineuse, verdoyante et argentée même dans ces mois frisquets. Les sempiternels platanes de la place du village, les parents pauvres, sont l'exception qui confirme la règle. A cause d'un élagage précoce, ils affichent l'aspect de pantins dépouillés, de marionnettes dénudées : polichinelles désarticulés.
Il aimait la gentillesse de ces villageois et la fidélité de ses vieux amis qui avaient à coeur de préserver son intimité quand il y résidait quelques jours. Séjour, hélas, toujours trop court à son goût ! Toutes les années, pour le quatorze juillet, il participait à la paella géante organisée par le comité des fêtes. Il ne se permettait jamais de rater ce rendez-vous, un rituel, un véritable plaisir partagé entre copains. Il revivait, le temps d'un repas largement arrosé de vin du pays, une jeunesse tumultueuse et agitée : son pèlerinage, sa roche de Solutré en plus paillarde et plus alcoolisée ! Après une virée dans tous les bars, celui des Sports, de l'Eau Fraiche, de la Télévision, de la Mairie, le tabac PMU et chez Chécou, il finissait ivre, sous une table : son unique beuverie de l'année, résultant d'un pari idiot vieux de trente ans, qu'il fallait absolument respecter. Il y a bien longtemps pourtant que personne ne se souvenait de l'enjeu. Quelle importance ! Pour cette occasion, il redevenait le minot de la place, le turbulent gamin du coin, le trublion.
Bien sûr, tous connaissaient l'immense vedette, l'acteur incontestable du petit et grand écran : Olivier Garcia. Tous les Septémois l'admiraient. L'année précédente le père Cléante, le curé béninois, en remplacement pour quinze jours dans la paroisse, les avait accompagnés dans leur délire anisé. Le représentant de Dieu n'eut guère besoin de louanges divines pour trouver le sommeil ce soir-là. Il avait toutefois négocié sa participation à cette « orgie » contre la promesse de l'acteur de se rendre à la messe dominicale. Olivier mit un point d'honneur à respecter son engagement.
Olivier Garcia était un homme de parole. Il l'avait prouvé à maintes reprises. Humaniste, généreux, il avait intelligemment su mettre à profit sa notoriété pour venir en aide à diverses associations caritatives au service des enfants nés atteints de surdité ou de cécité, parfois des deux. Un âpre combat relayé volontiers par les médias nationaux.
Opportuniste, têtu, une loi portait son nom. Il n'en retirait aucune fierté personnelle, seulement le sentiment d'un combat qu'il fallait continuer sans cesse, sans jamais baisser les bras.
Monique, sa grande soeur, le soutenait dans cette lutte. Elle le recevait à chacune de ses visites. Veuve depuis une vingtaine d'années, elle ne vivait que pour son frère, l'ultime membre de sa famille. Elle n'avait pas de mots assez forts pour parler « du petit », et, à chaque fois que l'occasion se présentait, elle devenait intarissable sur le sujet. Dans ces moments-là, ses yeux étincelaient de mille feux. Ils brillaient de plaisir et reflétaient une joie profonde.
Elle avait accepté la demande de son frère et était revenue vivre dans cette petite et coquette maison de village de deux étages, à côté du café, face à la mairie et en bordure de route. Depuis la mort des parents, cette femme à l'embonpoint généreux et à la chevelure grisonnante, occupait la demeure familiale. Rénovée entièrement et restaurée avec goût, l'acteur ne se serait jamais départi de ce petit bijou. Tant d'agréables souvenirs et d'amour dispensés y étaient attachés.
On le voyait peu dans le village. Les scènes des théâtres parisiens, les télévisions nationales le réclamaient sans cesse : trop de travail et trop de contrats à honorer dans la capitale. Il ne s'en plaignait pas non plus car il adorait son métier. Un mariage de vieux rêves et de passion, un savant mélange dont il vivait aisément aujourd'hui.
Exceptionnellement, l'opportunité d'un téléfilm à Marseille le ramena dans sa ville natale pour trois semaines en ce mois de février. C'était la première fois qu'il y tournait. Curieusement, la chose ne s'était jamais présentée auparavant et, pour cette unique raison, il ne lui était pas venu à l'idée de refuser.
Ce personnage public jouissait d'un véritable charisme et il émanait de lui une indéniable force morale. Pourvu d'un physique très agréable, ce brun aux yeux bleus, un heureux héritage de son grand-père paternel, avait appris très tôt à plaire aux femmes, à les séduire : une deuxième nature et une arme redoutable dans son métier. Il savait en user, en abuser si nécessaire. Tout aussi charmant que charmeur, infidèle jusqu'au bout des ongles, épicurien, il ne vivait jamais plus d'un an en couple. Il croquait la vie à pleines dents sans se soucier des dégâts sentimentaux qu'il occasionnait à chaque rupture. La nécessité d'être reconnu et aimé l'obsédait, l'envie d'autres envies, le besoin d'aventure qu'il confondait avec aventures.
La dernière en date, Marie-Jo, jeune actrice, l'accompagnait. La brune incendiaire, d'une beauté à couper le souffle, de vingt-cinq ans sa cadette, séduite par l'authenticité du méditerranéen, avait longuement insisté pour passer ce moment privilégié à ses côtés. De guerre lasse ou animé par un désir pressant, Olivier avait fini par accepter. Elle l'aimait. Lui non ou pas encore. Marie-Jo le savait. Tout se savait dans ce milieu. Elle n'ignorait rien de ses écarts et de ses frasques : elle le connaissait et la réputation de son nouvel amant n'était plus à établir. La presse populaire s'en chargeait et même si Olivier n'appréciait pas ce genre de publicité, il la tolérait ; il savait que la suite de sa carrière résultait en partie de ces apparitions répétées dans ces magazines spécialisés. Quant à la jeune femme, elle profitait de ce qu'il lui donnait, sans calcul, sans arrière-pensées, sans aucune projection dans l'avenir. Demain serait un autre jour !
Il lui avait fait part de son projet, et aujourd'hui, entourée de ces deux femmes, il se félicitait de « sa » décision. Pour Olivier tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes possible si son producteur avait pris la peine d'écouter et tenu compte de ses remarques.
« Ils ne sont jamais sur le terrain, toujours planqués dans leurs bureaux mais ils savent mieux que les autres. C'est pareil dans tous les métiers, il y a ceux qui prétendent connaître et ceux qui agissent. Je préfère la deuxième catégorie ».
Leur entretien téléphonique dura plusieurs dizaines de minutes. Chacun campait sur ses positions. Pour Olivier il n'était pas question d'en démordre. D'un naturel obstiné, il tenait à avoir raison.
- Tu veux qu'on mette dans la boîte les scènes de nuit en extérieur en trois jours ? C'est de la folie. Tu es un inconscient. Il fallait en prévoir trois supplémentaires ; c'est le meilleur du film, autant le traiter à fond. Quand j'ai lu le scénar, j'ai compris qu'avec ton timing on allait être limite.
Olivier raccrocha, déçu. Une fois de plus le patron détenait la vérité, il ne lui restait plus qu'à exécuter les ordres.
L'obscurité envahissait le salon maintenant. Il affectionnait ces heures sombres où la nuit commence doucement à prendre sa place, sans bruit ; un moment propice à la méditation. Hélas, il devrait attendre encore pour revisiter son intérieur. Marie-Jo, plus belle que jamais, entra dans la pièce. Un long baiser, chaud, tendre et langoureux ponctua son arrivée. Il dut toutefois refréner son appétence naissante ; la jeune femme gardait la tête froide. L'instant n'était ni aux câlineries, ni aux galipettes.
- Je sais ce que tu veux mais si tu dois être sur le plateau dans une heure, nous attendrons cette nuit, à ton retour. Il faut que tu manges quelque chose avant de partir, ta soeur t'a mijoté ton plat préféré, des pieds et paquets : quelle horreur ! Rien que l'odeur me donne la nausée. Je te prépare des vêtements épais, il ne fait pas si chaud que ça dans ton pays quand le soleil n'est plus là !
Frustré de ce refus qu'il comprenait ferme et catégorique, il ne la quitta pas des yeux quand elle s'arracha à lui avec infiniment de tendresse.
Il la contempla quelques secondes allant même jusqu'à la détailler de la tête aux pieds comme s'il la voyait pour la première fois. L'homme, dans toute sa splendeur, dans toute sa grandeur, dans toute sa suffisance !
« Elle est vraiment très belle, et si elle était capable de me fâcher avec le célibat ? Je commence à dater, bientôt je n'aurai plus le choix. C'est dur la vie quand on sent la vieillesse frapper à la porte ; je déteste ça ».
Entouré d'amis, plus ou moins sincères, flatté, adulé, il ne se posait pas ce genre de questions habituellement. Les sollicitations, les rendez-vous galants, le temps qui galope à grandes enjambées l'en empêchaient. Sa vie s'écoulait, chargé de plaisirs, débordant de choses futiles et inutiles qu'il appréciait à leur juste valeur. Seuls les forts moments de solitude l'amenaient à déprimer. L'isolement n'avait pas sa place dans son carnet d'adresses. Il ne pouvait concevoir que son téléphone ne sonne pas au moins une fois dans la journée. Il fallait qu'il soit bousculé, demandé, réclamé : son équilibre psychique en dépendait.
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SAUCISSE OUVRE SA GUEULE
Les Chroniques du célèbre chien reporter
UN PARI PRIMAIRE
Nous, les chiens, pour choisir entre deux trous du cul, nous n'avons qu'à les renifler... Pour vous, les hommes, tout est toujours plus compliqué, et le choix d'un chef de meute est rapidement une affaire d'État ! Car avant même de gouverner un jour sans partage sur la gent bipède, il faut déjà être élu parmi les siens, un peu comme si bassets, caniches ou chiens courants, devaient d'abord se choisir chacun un porte-ouah afin d'espérer en récolter davantage... et devenir peut-être le chef de tous les chiens. Ça s'appelle des primaires, une élection avant une élection...
La meute des socialistes, après celle des écologistes, va bientôt procéder à sa primaire : ça se passera en octobre et ce sera l'occasion d'un pari risqué ! En effet, et voilà une première, la primaire socialiste sera ouverte à tous les Français, bien au-delà de ses seuls militants..., voire même de ses sympathisants ! Car pour un euro, un investissement minime dans l'avenir de ce grand pays, chacun pourra glisser une enveloppe dans l'urne. On se demande alors ce qui pourrait empêcher les autres partis de faire de l'entrisme et de s'emparer des rênes de cette primaire ? A leur place, je me gênerais, qué!...
Rien dans le principe ni dans les faits n'interdit en effet à L'U.M.P ou au F.N, par exemple, de saboter cette élection pittoresque, en influençant les suffrages de façon telle que ce soient ceux qui auraient à l'affronter dès le premier tour qui choisissent en réalité le candidat socialiste. Lui interdisant même l'accès au second... Il suffirait à l'ennemi de décider de jeter ses légions dans les urnes pour fausser la bataille et en sceller le sort à son avantage !... Ce n'est pas le choix qui manque des outsiders, selon que l'on préfère se colleter avec l'extrême droite ou l'extrême gauche de la baleine rose. Déboulonner les statues de commandeur, projeter un candidat socialiste de seconde zone à l'avant-garde d'une élection qu'il n'ait aucune chance de remporter, serait un bien vilain tour à jouer à la démocratie, jugeront certains, mais en politique tous les coups sont permis. Je connais un roquet qui doit ronger son frein... Qui doit y penser le matin en se rasant... La bonne blague ?... Ce serait peut-être sa dernière chance, pour qui ne craint pas de gouverner en toute impopularité. Un coup de dès, une victoire par défaut... Mais une victoire annoncée !... Pourquoi pas ? Jacques Chirac avait bien montré que ce n'était pas impossible, qui s'était fait élire en son temps avec un score de dictateur africain, lors d'un second tour risible à plus d'un titre.
Pourtant, cette évidence n'arrivera pas. La tentation est déjà grande, mais personne ne passera à l'acte... Pas cette fois. La prochaine fois peut-être, à l'aune des regrets et de la défaite... Il y a toujours un Rubicon à franchir, qui sépare l'idée de l'action ! Mais quand le ver est dans le fruit, plus rien ne l'empêche de ronger la pomme... C'est tant mieux pour les socialistes, qu'ils s'élisent tranquillement entre eux pour cette fois ! Et s'ils nous accouchent d'un président présentable, ils auront leur candidat naturel tout désigné pour 2017 : sinon, je ne leur conseillerai pas de prendre une seconde fois le même pari...
LES LARMES DE L'HUISSIER
Il faut dire que cet été mon maître flirta avec une femelle du Nord... Ce qui nous valut de passer de petites vacances dans ce département où les humains parlent ch'ti et les chiens aboient comme partout ailleurs. C'est ainsi qu'au hasard d'une balade en automobile, dans l'idée arrêtée de déguster des moules-frites en bord de mer, attirés par quelque curiosité malsaine et touristique, nous fîmes un détour rapide par Outreau, pour voir... C'est tout vu ! En juillet comme en décembre, c'est triste et gris comme une souris morte, un désertique alignement de cités sans âme où l'on imagine aisément qu'il puisse se passer de drôles de choses...
Vous vous rappelez « l'affaire d'Outreau », on nous en a assez tartiné les oreilles à la télévision... ? Depuis mon panier aux pieds du poste, j'entendais surtout une voix se distinguer parmi les accusés, passés au rouleau compresseur de la justice. Celui qui pleurait et hurlait à la mort plus fort que tous les autres ! On lui avait tout pris, il avait tout perdu, c'était horrible !... Et c'était certainement horrible. Cette affaire a ruiné bien des existences, mais il semblait qu'elle s'acharna particulièrement sur lui pour qu'il se répande ainsi !... A moins que les autres, plus humbles, se montrèrent aussi plus dignes ... ? Ce monsieur, dont la voix nous hante encore, et qui se signala par la hauteur de ses lamentations, était huissier : j'avais cru comprendre que puisqu'il avait plus à perdre que tous les autres réunis, il semblait bien qu'il faille le plaindre davantage !
De ce chaos, doublé d'un fiasco judiciaire, hélas parmi tant d'autres, chacun des accusés d'Outreau se remet aujourd'hui comme il peut. La plupart ne demandant qu'à oublier et se faire oublier... Pour autant et pour l'observer de près, j'ai remarqué que votre monde appartient aux pleurnicheurs, et qu'on a toujours tout à y gagner à se plaindre. Ainsi notre huissier, qui avait tout perdu...Pour sa consolation et pour la nôtre, de son malheur au moins ce lettré aura-t-il pondu un livre, assurément aussi nécessaire que légitime, et aujourd'hui adapté au cinéma : c'est dans les salles, « Présumé coupable », ça s'appelle ! Exemplaire à plus d'un titre, car il conviendrait de tirer finalement la leçon d'Outreau... et des larmes dans les chaumières au passage, ce sera pas mal non plus. De même, chacun aura eu la satisfaction d'apprendre par médias interposés que notre huissier, sa vocation intacte, avait recouvré sa charge et qu'il pouvait reprendre son beau métier... Ce serait presque un happy end, s'il était possible d'être cynique en l'occurrence !
Mon maître, qui a sans doute un mauvais fond, car il n'a aucune compassion pour les larmes des huissiers, espère seulement que sa mésaventure incitera celui-ci à être demain plus sensible aux pleurs de ceux qu'il jette à la rue avec leurs meubles, leur existence à leur tour en miettes au nom de la justice... On peut rêver... Ce serait cependant le début d'un monde meilleur.
L'IRONIE DU SORT
Il n'est rien que j'aime autant qu'enterrer mes os, au cas où... Il ne reste souvent plus de viande autour, mais c'est un comportement atavique. Un peu comme vous, humains, qui vous aussi enterrez vos os depuis que l'homme et homme... Bien qu'on vous ait rarement vu les déterrer ensuite pour en ronger les lambeaux de chair. Non, pour votre espèce, dotée d'une très haute conscience d'elle-même, il s'agit plutôt d'un rite, un culte voué à la mort qui dépasse de loin ma vue terre à terre de la vie. Mais l'ironie du sort est telle qu'après avoir bien enterré nos os, vous comme moi nous finirons à notre tour par faire un charmant squelette. Quoiqu'il ne faille jamais désespérer du génie humain, toujours prodigue de trouvaille !... Ainsi une nouvelle solution vient-elle faire de la concurrence à l'inhumation : car avec 7 ou 8 milliards de bipèdes sur terre, ça ferait rapidement beaucoup de trous à creuser... On connaissait déjà l'incinération, qui vous cuit au four son bonhomme comme d'un rien, jusqu'à le réduire en cendres tel un vieux clope, il faudra compter demain sur son contraire, à savoir... la liquéfaction ! C'est la société écossaise Resomation qui a mis au point le procédé. Il consiste, grâce à un « Resomateur », donc, à dissoudre les corps sous pression, en les immergeant dans une solution d'eau et d'hydroxyde de potassium, chauffée à 160 °C (thermostat 4) pendant deux heures. Une technique garantie 100 % écologique, puisque l'on nous promet comme un encouragement que le liquide obtenu peut-être reversé dans le réseau des eaux usées ! Retour à la nature, rien ne se perd rien ne se crée... On jetait déjà d'un geste ample les cendres des disparus à la mer, il n'y aura bientôt plus besoin de boire la tasse mais simplement d'ouvrir le robinet pour s'avaler une gorgée d'ancêtre.
Cette innovation, je la mettrai en parallèle d'une autre merveilleuse invention, en cette rentrée fertile où les apprentis sorciers semblent déchaînés : savez-vous que l'on peut désormais produire de la viande synthétique ? Des scientifiques de l'université de Maastricht ont confié ces jours derniers qu'ils seraient en mesure de fabriquer des saucisses artificielles d'ici à quelques mois : ils utilisent pour cela des cellules de porc couplées avec du sérum de cheval, c'est-à-dire du sang débarrassé de ses cellules et des protéines de la coagulation, cultivées in vitro, de manière à se qu'elles se développent sous la forme de viande artificielle... Rien que ça ! On nous annonce déjà pour l'année prochaine les premiers steaks synthétiques ! Les zélateurs du développement durable pourraient trouver bien des avantages à cette découverte, mais j'y vois moi une autre promesse d'avenir que la chipo sans bilan carbone : quelque professeur Frankenstein pourrait bien demain se proposer de recoller cette bidoche autour de vos squelettes pour leur rendre vie, et tous vos problèmes d'élimination des os usés seraient alors résolus...
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Extrait
Chapitre 1
Tom Pinchoty abattit ses cartes en mâchouillant son cure-dents : deux dames. La troisième lui souriait sur le tapis vert, blottie entre un roi et un valet. Il avait un brelan. Il remporta la mise et le tournoi de Texas Hold'em.
La partie avait lieu chez Matty. Le sous-sol de sa vaste demeure perchée sur l'une des collines à l'entrée de la ville, avait depuis longtemps été transformé en salle de poker. Six grandes tables accueillaient tous les soirs 60 joueurs.
Tom ramassa ses jetons. Matty lui remit aussitôt des billets de dix, vingt, cinquante et cent. Ses doigts boudinés se refermèrent sur quelques-unes des plus grosses coupures : il avait pris au passage sa commission.
- On passe de quatre à cinq pour cent, Tom. Le whisky coûte plus cher. La bonne petite bouffe que je vous prépare aussi, dit-il en tapotant son ventre vorace.
- Matty, tu es un prince. Personne ne reçoit comme toi.
C'était à chaque fois la même chose. Matty faisait quatre ou cinq courbettes et lançait mille excuses en prenant son dû. En fait, Tom en était convaincu, il devait rire derrière son triple menton. Le vrai gagnant, soir après soir, c'était lui le gros Matty. Mais il payait rubis sur ongle et c'est ce qui comptait.
Tom entra dans sa vieille Chevrolet bleue, sa couleur préférée. Il descendit lentement la rue principale, la climatisation ouverte à fond. À cette heure-là, Giguène était chez elle. Qu'importe, il la retrouverait demain, lundi, ou un autre soir. L'important c'était de lui parler. Elle lui avait encore porté chance ce soir. Il fallait à tout prix la revoir avant le tournoi des champions qui se tiendra pour la première fois chez Matty. Tous les joueurs de poker y seraient. Du moins tous ceux, qui comme lui, fuyaient le clinquant des casinos. À chaque partie, il laissait un morceau de lui-même sur le tapis vert. Voir les cartes battues, les avoir entre les mains, les tapoter, les caresser, les serrer entre ses doigts aux ongles coupés court, mais pas trop, jamais manucurés comme la plupart de ses nombreux « frères » et de ses rares « soeurs » du poker. Ses ongles étaient toujours finement limés. Il refusait cependant de les faire briller sous une couche de vernis incolore. Il ne portait pas de bague. Il détestait les bijoux.
« Si je gagne le pactole, je t'offre un diamant assez gros pour faire dérailler tout un train de marchandises », avait-il dit l'autre soir à Giguène, quand elle se rhabilla en prenant tout son temps pour quitter sa chambre d'hôtel. Elle avait la nudité tranquille.
Au jeu, comme dans la vie, il fallait être propre. Le plus possible en tout cas. Il ne l'avait pas toujours été. À ses premières parties de poker, il avait donné un coup de pouce à la chance en s'alliant avec Nick Balendros, dit le « Chameau ». Un magicien des cartes qu'il marquait avec une encre invisible. Mais c'était loin tout ça et c'était surtout du temps du poker dit « pur », des cinq cartes fermées. Impossible, ou presque, de tricher avec le Texas Hold'em. Il en avait parlé un soir avec Giguène. Mais c'était fini tout ça. Poker Grigri valait tous les « Chameaux » de la terre.
Memphis Slim chantait Born with the blues dans le lecteur de CD qu'il avait fait installer dans la Chevrolet. Sa voiture hoqueta, puis se ressaisit. Elle supportait de moins en moins la chaleur. Elle allait le lâcher d'un jour à l'autre. Il roula jusqu'au coin de la rue, s'arrêta en voyant N'Diaye aux bras d'une grande Aphrodite noire callipyge. Son arrière-train était assez développé pour tenir les quatre verres de Jameson, remplis de petits glaçons, qu'il avait bus chez Matty.
- Tu me présentes ta nouvelle conquête ? dit-il sans grand enthousiasme.
C'est avec Giguène qu'il aurait voulu passer la nuit.
Le cousin de son porte-bonheur mit en valeur ses dents rougies par la noix de cola qu'il mâchait sans arrêt. Il aimait son goût âpre. C'était sa drogue. Elle avait toutes les vertus. Elle facilitait la digestion, était un coupe-faim, avait des propriétés antidépressives et augmentait la résistance à la fatigue. Elle était surtout aphrodisiaque. Il en crachouilla quelques morceaux sur le trottoir qu'il connaissait bien. Il rêvait de faire travailler toutes les Africaines dès leur descente de l'avion qui les arrachait au continent le plus pauvre de la planète.
- Le Vieux ! Je vois que tu as toujours faim, peu importe
l'heure !
Pour N'Diaye, quiconque ayant atteint la quarantaine était qualifié de « Vieux » et méritait d'office le respect qui allait avec son « grand âge ». Il lui avait un jour rappelé ce dicton très prisé chez lui : « Quand un vieillard meurt c'est une bibliothèque qui brûle. » Tom, en pleine forme pour son âge, comptait bien avoir quelques bonnes et longues parties devant lui avant de se transformer en bois mort.
Grand comme une autruche, maigre comme un filet d'eau dans le Sahel, déambulant comme un paon, toujours habillé d'un boubou flamboyant, N'Diaye ne passait pas inaperçu et pour mieux se faire remarquer, il aimait égrener son langage, aussi coloré qu'un arc-en-ciel, de bons vieux dictons africains.
Tom n'avait pas oublié quand N'Diaye lui dit : « L'âne lorsqu'il vieillit a besoin d'herbe tendre ! ». C'était le soir où il lui présenta Giguène.
- Tu sais où elle est ? je l'ai appelée hier mais elle ne répond pas, demanda Tom.
- Qui ? fit N'Diaye en caressant lentement la croupe de Mlle Callipyge.
- Qui ? Tu le sais bien. Ta jolie cousine.
De ses longs bras osseux, N'Diaye tira à lui Mlle Callipyge, dont le grand sourire mettait en valeur des gencives violettes, comme toute sa tenue qui se résumait à une minijupe surmontée d'un tee-shirt trop petit, bien sûr. C'était le genre de femme à qui l'on pardonne d'avoir oublié aux toilettes, le peu de goût qu'elle pouvait avoir.
- Je croyais que tu voulais que je te présente ma nouvelle conquête? fit N'Diaye. C'est une belle mousso, une belle fille, hein ?
Tom lui serra la main en regrettant déjà de s'être arrêté. Il n'aimait pas ses gencives violettes.
- Regarde-moi ces grosses belles fesses, bien nerveuses, bien dures ! Elle pourrait facilement écraser du piment avec, sans avoir les hémorroïdes ! Petite, elle a été nourrie à la graisse de mouton et au lait de chamelle. Regarde comme elle est belle et ferme. En plus, elle est aussi noire qu'une panthère.
- Oh, N'Diaye, l'interrompit la « panthère », ce n'est pas parce que je suis plus foncée que toi que tu vas faire le golo, le singe, me regarder de haut, et me prendre pour ta chose. Faut pas faire le malin sur moi ! On est plus en Afrique ici.
Elle avait de toute évidence, sortit ses griffes. N'Diaye ne répondit pas. Ses ouvrières du sexe ne rataient jamais l'occasion de lui secouer le cocotier. Il les laissait faire. Cela leur donnait de l'importance. Elles s'investissaient alors à fond dans leur travail. Un long jet rougeâtre sortit de sa bouche. Tout le cola craché, tomba aux pieds de Callipyge. Il s'essuya avec la manche droite de son boubou.
- Alors, Giguène, où est-elle ? demanda encore Tom.
- Bon ça va grand frère, répondit N'Diaye. J'ai compris... en dehors de Giguène, seule Morphée pourra te serrer bien fort dans ses bras cette nuit. Mais tu ne sais pas ce que tu manques avec cette mousso... c'est la meilleure quand on veut déverser son trop-plein... Coco taillé ? (C'est le surnom qu'il avait donné à Giguène parce qu'elle avait le crâne rasé à ras). Elle est chez Mama Zouma, sa tante. Elle est grippée et se fait chouchouter. Quand elle éternue, c'est la saison des pluies !
Tom avait entendu parler de Mama Zouma. Il avait toujours un stylo sur lui. Il prit un bout de papier qui traînait dans la voiture. N'Diaye lui donna le numéro de téléphone de la gentille tante qui prenait soin de son joli porte-bonheur. Il appellerait Giguène demain à la première heure.
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Extrait
Où l'on joue «Mon beau sapin» au pipeau.
Ce soir-là, Robert Dalban s'emmerdait comme un rat mort. Non, je vous arrête tout de suite, quand je vous parle de Robert Dalban ne pensez pas à l'acteur français né en 1903 et mort en 1987 (paix à son âme, et que ceux qui ne voient pas de qui je veux parler retournent à leurs chères études, porcamiseria), mon Robert Dalban à moi, il est marseillais pur jus (bien que d'origine normande et écossaise, l'hérédité faut pas chercher à comprendre), et il a exercé un temps la profession de comptable. A l'Institut International des Eaux, Marseille, France. C'est un quidam du genre passe-partout, ni brun, ni blond, ni petit ni grand, ni gros ni maigre, avec pour seuls signes distinctifs un accent parisien qu'il avait pêché on se demande bien où et des super-lunettes à triple foyer. De vraies lunettes de bigleux. C'est un vieux pote à moi, moi Biagio Cataldese, et c'est pourquoi je vais me permettre de vous parler de lui.
Ce soir-là donc, Robert Dalban s'emmerdait comme un rat mort. Pourtant on passait à la télé un film qui aurait dû l'émoustiller, puisqu'il mettait en valeur son homonyme. Mais Dalban pestait comme une vieille morue, tout seul, les lunettes abandonnées sur un coin de table comme chaque fois que tout l'énervait et qu'il préférait rester dans le flou en signe de protestation universelle. A l'époque il avait entamé la quarantaine depuis quelque temps le Robert, et il avait pratiqué une reconversion réussie. Exit l'Institut International des Eaux, le comptable avait mis son sens des chiffres au service de son compte en banque en montant une petite société de production musicale qui était en train de décoller. Peu regardant en termes de musique («moi, de toute façon, les deux seuls trucs que j'écoute c'est Michel Sardou et Adriano Celentano, le reste je m'en tamponne», voilà son point de vue) Dalban avait à sa botte aussi bien des musiciens folkloriques que des rappers, des chanteurs de charme comme des maniaques des technologies du son, et même un joueur de pipeau qu'il venait justement de faire monter en tête des hit-parades avec une version (au pipeau électronique tendance dub-techno) de Mon beau sapin - roi des forêts. Y'a pas de sot métier, pas vrai ? Mais Dalban commençait à en avoir plein les roubignoles d'écouter Sardou évoquer les Ricains sur sa chaîne stéréo millésimée 1977 tout en fredonnant en boucle et en même temps Mon beau sapin, et il finit par se décider à poser ses fesses en face de la télé. Il reprit ses lunettes sur la table, se servit un whisky bien tassé (une production familiale, vu qu'il avait encore des cousins en Ecosse), et essaya de s'intéresser au ?lm en question. Coup de tête, une sale histoire de magouilles et de violence avec un club de foot au milieu. Et le Milieu autour. Dalban (l'acteur) jouait l'entraîneur du club, on n'y croyait pas une seconde, mais Dalban (le mien) commença gentiment à se monter le bourrichon. Ça se mettait à trottiner dans sa tête, le foot... Pas qu'il ait jamais été un accro, mais l'idée lui plaisait bien quand même. Un club de foot... Suffirait d'investir une jolie petite somme, et Dalban n'était pas à l'étroit dorénavant question liquidités, et il pourrait sûrement tuer le temps en tant que président de club autrement plus intensément que derrière les vitres du studio d'enregistrement à regarder ses musicos s'époumoner sans même les entendre. Quoique, des fois, il valait mieux, ne pas les entendre.
RD avala le fond de son verre cul sec, fit la grimace, et prit sa décision : il allait se lancer dans le sport.
Où l'on urine contre les citronniers.
Comme je dis toujours la vie c'est la vie, c'est comme ça et pas autrement. C'est vrai, je suis du genre fataliste, et on a souvent eu des discussions là-dessus avec Robert. Pour lui pas de fatalité, sa vie si on voulait vraiment la prendre en main, y'avait qu'à : «Quand on veut on peut», c'est sa phrase, à laquelle je n'ai jamais rien trouvé à répondre, sinon un haussement d'épaules. Io non posso, faut croire que moi je peux pas, éboueur j'étais éboueur je suis resté, même si souvent j'ai eu envie de voler un camion de butane et de foncer contre le premier mur venu. Mais à la place j'ai acheté des cahiers, dans lesquels j'ai consigné et je consigne tout ce qui ne va pas. J'en ai un stock, croyez-moi. L'histoire de Robert Dalban, je l'ai consignée aussi. Pas parce que Robert Dalban n'a pas la même philosophie que moi sur la vie, mais juste parce qu'à force de tout consigner, c'est devenu une seconde nature. Et parce que j'aime les cahiers. Et justement, si je reprends le cahier Dalban, je vais pouvoir vous raconter la suite de l'histoire. Celle durant laquelle les morts sont tombés comme à Gravelotte. Pourtant Gravelotte ne joue pas en première division. Cherchez pas à comprendre, aspettate, attendez, vous comprendrez bientôt.
Ce matin-là, Robert s'était levé très tôt. Avant que le soleil ne se lève. Il était sorti dans son jardin nu comme un ver (un ver qui aurait porté de sacrées lunettes) uriner contre le citronnier, tout en humant l'odeur de poubelle qui flottait sur le quartier. L'oreille distraite par le bruit du jet jaunâtre contre le tronc de l'arbre Robert marmonna «ben mon p'tit vieux, ça sent pas la rose aujourd'hui», et il continua en pensée, en se disant que cette odeur de moule moisie c'était plutôt de bon augure puisqu'il avait prévu de prendre la mer pour une partie de pêche avec son pote Tony, un Gitan des quartiers nord, entrepreneur de spectacles à la petite semaine qui se refaisait régulièrement une santé financière en travaillant de la carotte sur des plates-formes pétrolières en Mer du Nord. Robert s'habilla vite fait, chaussa des baskets blancs qu'il portait sans lacets, mit une casquette dans son sac et grimpa dans la Volvo. Il avait une prédilection pour les voitures suédoises. Une aurore violette commençait à se découper sur l'horizon lorsqu'il passa devant la pyramide de l'ancien hangar J4, sur le port, juste à côté de la cathédrale. La mairie, le département, la région, l'état, même l'Europe et si ça se trouve l'Unesco, avaient mis la main au porte-monnaie pour financer cette drôle d'idée sortie de l'esprit d'un architecte allumé : la «pyramide des croyances». Un truc de cent mètres de haut, noir avec des re?ets dorés, inauguré en grande pompe par tout un aréopage de chefs d'état et de pontes religieux qui s'étaient félicités non sans raison de voir naître ce lieu symbolique où chaque religion du globe était représentée, où chacun allait discuter avec «l'autre» en parfaite harmonie oecuménique, où la science et la spiritualité allaient enfin trouver un terrain d'entente puisqu'on n'avait pas non plus oublié d'inscrire les non-croyants dans ce grand panel des croyances. Mais pour le moment, la pyramide n'avait pas vraiment fait le plein, peut-être parce qu'un truc pareil à Marseille, on avait du mal à y croire, ça faisait pas sérieux, et tout ce que Robert y vit en la croisant c'était une masse noire sur la pénombre, et qui en plus lui gâchait le paysage violacé en train de se dessiner aux frontières de l'aube. Il dépassa le panneau «PYRAMIDE» à 130 compteur et fusa dans l'obscurité en direction de L'Estaque. Il rangea la Volvo devant le garage de son pote, et frappa à l'huis tout en invectivant l'habitant d'une voix sourde mais suffisamment forte.
- Oh, Tony, tu dors encore, mon salaud ?
Le Tony en question ouvrit la porte d'une poussée du pied droit, une tasse de café dans chaque main.
- Qui dort ? se rebiffa-t-il.
Les deux amis burent le café sur le balcon en observant le ciel.
- Tu sais quoi ? demanda le Gitan avec un large sourire de faux jeton (ce qu'il n'était pourtant pas), j'ai une idée pour tes affaires, et on pourrait sûrement s'occuper de ça ensemble, écoute voir : au lieu de te casser le cul avec des jeunes que degun connaît, tu prends des anciens qui sont plus à la mode et tu les remets sur les rails.
- Et tu les déniches où tes anciens, tu sais ce qu'ils sont devenus toi, tous ces gugusses qui ont fait un tube ou deux et ciao. Les nanas sont marida, les mecs sont devenus plombiers ou pharmaciens, comment tu vas les retrouver toi, tu t'appelles Pinkerton maintenant ?
- Qui c'est celui-là, Robert, un producteur ?
Dalban haussa les épaules. De toutes les façons c'était une idée comme une autre. Pourquoi pas ? Il posa sa tasse vide sur le guéridon et donna le signal du départ.
- Bon, en attendant tes revenants, si ton cabas est prêt, on va aller écouter chanter la poiscaille, mon pote !
Mais Tony était un bavard, et tout au long du chemin qui les mena à son mouillage, puis en démarrant le moteur de sa barcasse, et encore en sortant du petit port dans la clarté encore fragile du matin, il parla de tout et de rien, comme un vrai moulin à paroles. Dalban proférait des «hmm» et des «grmmf», s'activait côté matériel, et finit par résumer la situation alors qu'ils avaient atteint leur coin depuis plus de dix minutes :
- Arrête un peu maintenant, tu casses les oreilles aux poissons, comment tu veux qu'ils se concentrent et qu'ils viennent se tanquer sur nos lignes ?
Le Gitan tira la sienne d'un geste sec du poignet, un petit loup au bout qui frétillait comme un perdu.
- Comme ça. Voilà.
Là-dessus, les deux hommes ne dirent plus rien jusqu'au retour, vers les neuf heures du matin, l'heure parfaite pour prendre un nouveau café en terrasse, cette fois à un des bistrots de L'Estaque. Là, Tony reprit sa diatribe en feuilletant le journal local, Le Méditerranéen.
- Oh, putain tu as vu ça !
- Quoi ?
- Un chauffeur de taxi qui a pété les boulons dans un embouteillage, il a sorti son flingue de la boîte à gants et il a dégommé tous ceux qui étaient autour de lui. Sept morts.
- Où ça ? A Marseille ?
- Pardi ! Rue Paradis. Attends, c'était un chauffeur iranien, iranien tu te rends compte, bientôt ils nous les font venir de la lune, Eshaq je sais pas quoi, il a expliqué à la police que son cousin tenait sa femme en otage et qu'il a pas supporté de pas pouvoir avancer pour aller la délivrer. Pendant que Tony donnait des explications sur le fait divers meurtrier, Robert zieutait un titre un peu plus bas.
- C'est quoi dessous, là tu vois, ils parlent du club de foot de L'Estaque.
- Ouais. Ils disent que le club est en faillite après une histoire de pots-de-vin à propos de la construction d'un nouveau stade, que si personne ne se manifeste pour le reprendre il disparaîtra à tout jamais après cent ans tout rond d'existence.
- Ils donnent un numéro de téléphone ?
- Ouais.
- Passe-moi ton portable.
Et c'est comme ça, par un coup de fil, un rendez-vous, et un joli chèque, que Robert Dalban devint président du FC L'Estaque, modeste pensionnaire d'une obscure division départementale.
La vie c'est la vie, on sait jamais où elle vous mène.
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Extrait
Préface du chien Saucisse
Moi, je n'aime pas les chats, quant à mon maître il n'aime pas les flics. On n'y peut rien, ce doit être dans notre nature. Il y a tout de même quelques chats que j'ai à la bonne, Léon, le gros chat de son ex, ou Poussy, la chatte à la voisine, parce que je les connais personnellement et que ça se passe bien... Un peu comme pour mon maître, qui connaît également quelques échappés de la maison poulaga, à qui il serre la main et adresse aimablement la parole... Son ami Jacquet est de ceux-là ! Il faut dire qu'il ne l'a pas connu en garde à vue, chacun d'un côté du bureau et lui du côté de la lampe dans la gueule et des coups de bottin sur la tête, ce qui n'aurait probablement pas favorisé l'urbanité de leurs relations à venir, mais qu'il l'a rencontré à la faveur des salons du livre. Qu'ils fréquentent tous deux pour y signer leur prose aux gogos de lecteurs qui les prennent pour des écrivains. Alors que dans ces mêmes salons du livre, où je suis invité moi-même en tant que teckel plumitif*, j'en ai croisé, des vrais écrivains, et je peux vous affirmer qu'ils n'ont rien à voir avec l'ami Michel ou avec mon maître : non, les vrais écrivains, ce sont des gens sérieux, ou qui en tout cas se prennent pour tels, capables de parler de leurs livres du matin au soir et d'en faire même un sujet de conversation à table, là où la moyenne des hominidés parle plus volontiers de bouffe, de sexe ou de politique... mais tout de même assez rarement de la disparition dommageable de l'imparfait du subjonctif !
Michel Jacquet, je ne suis pas sûr qu'il connaisse l'imparfait du subjonctif... et je ne serais d'ailleurs pas étonné d'apprendre que dans une vie antérieure il l'aurait passé à tabac, l'imparfait du subjonctif, comme ça, pour le plaisir. Pour se défouler des phalanges. Parce que l'imparfait du subjonctif nous les brise ! L'un n'empêche pas l'autre, bien sûr, mais pour faire un bon livre il me semble surtout qu'il faut une bonne histoire, un bon tempo, savoir de quoi on parle et mettre dans son écriture autant de coeur que de culture. Et de tout ce qui fait donc un bon livre à mes yeux, ceux de Michel Jacquet ne manquent pas ! Déjà, son expérience de flic le légitime en tant qu'auteur de roman policier, et ils sont d'ailleurs nombreux parmi les anciens de sa corporation à se mettre à l'écriture, avec un certain bonheur. Au moins savent-ils qu'en France on n'est pas « inspecteur », grade qui n'existe plus chez nous depuis longtemps, mais bien lieutenant, qu'on n'a pas non plus besoin d'un mandat pour se présenter chez les gens comme dans les séries américaines, et ne confondent-ils pas non plus systématiquement détente et gâchette, pistolet et revolver, comme nombre de leurs pitoyables confrères en littérature, qui écrivent des romans policiers en n'ayant jamais été confronté à la réalité du métier autrement qu'à l'occasion d'un contrôle routier. Mais la pertinence du propos et la connaissance de son sujet ne suffisent pas non plus : encore faut-il avoir du style ! Du style, je l'ai déjà dit, l'ami Jacquet n'en manque pas. Un style simple et efficace, sans pompe mais juste et sensible, dont il a appris à maîtriser la surcharge pondérale originelle, qu'il tenait d'une faconde méditerranéenne fort sympathique. Après avoir montré à Michel Jacquet que la ponctuation avait été inventée pour faire trois phrases là où il en faisait une, il fut alors incontestablement démontré que nous tenions en ce garçon toujours emporté un bel et grand auteur de polar. Nerveux, incisif, authentique, sans concessions, qui ne s'encombrent ni de la morale ni du bon goût auxquels se croient assujettis des auteurs plus tièdes, qui prennent leur frilosité domestique pour de la sagesse et leurs lecteurs pour des nouilles.
L'homme est rapidement devenu l'ami de mon maître, mais aussi le mien, car il est de ceux qui justement à table n'oublient pas les petits chiens, tandis que les grands auteurs se désolent du peu d'écho de leur dernier pensum dans les médias et de l'incurie de la gent journalistique, toujours injuste à l'égard de leur talent. Pendant ce temps-là, mon maître, Jacquet et moi en profitons pour nous resservir et finir les plats poliment, car nous sommes bien élevés et ne parlons pas la bouche pleine.
Saucisse,
traduit du chien au français par son maître, Serge Scotto
* Saucisse est connu entre autres choses comme l'auteur de six recueils de ses tribunes dans la presse quotidienne, seul journaliste canin de France et de Navarre (NDLE)
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Trois jours d'engatse
Philippe Carrèse
- 1961 Digital Edition
- Marseille Connection
- 20 Décembre 2013
- 9782368690093
Je me rappelle d'une leçon d'histoire, sur un livre illustré, tout raccommodé à coup de papier adhésif marron, transparent mais pas trop, que nous avait fait lire l'instituteur, à Zonza... C'était quand j'étais minot, avant le CAP... Il m'avait marqué, l'instituteur, parce qu'on comprenait que dalle à ce qu'il disait, à cause de son accent. C'était un brave type, du continent. Il était resté quinze jours en fonction. Après il avait été malade, puis dépressif, puis rapatrié sanitaire à Roubaix d'où il était originaire... C'est vrai qu'en Corse, si tu as pas d'attaches, c'est très dur à vivre... Surtout qu'on te le fait vite comprendre, quand tu as pas d'attaches, que c'est pas la peine de t'en faire (des attaches)...
Bref, c'était une leçon sur la cour de Louis XIV à Versailles, et sur les courtisans... Je suis encerclé par les courtisans. Y'en a partout ! Les mêmes que dans le livre. Simplement ils sont habillés Façonnable ou sur mesures chez Reboul, et, à la place de la galerie des glaces, on est tous là à piétiner dans la salle des pas perdus de la mairie, au premier étage de l'Hôtel de Ville.
Il avait dû laisser les consignes, Spazzola, parce qu'à peine j'arrive à l'accueil, un planton (mais on dit un policier municipal) bedonnant me conduit jusqu'à un couloir où un autre planton (mais là, on dit un huissier) me traîne dans un dédale de bureaux en contre-plaqué, d'ascenseurs qui montent et qui descendent pas, d'accès interdits et de bureaux pleins de vide où des secrétaires ressemblant toutes à des walkyries nourries aux raviolis (question de climat et de culture) font du tricot ou des mots croisés. -
Graine de courge
Philippe Carrèse
- 1961 Digital Edition
- Marseille Connection
- 20 Janvier 2013
- 9782368690154
Bienvenue dans le monde fascinant des courges et des enclumes.
Il va de soi que toute ressemblance avec des courges ou des enclumes vivantes ou ayant eu une fin tragique serait purement fortuite, même ce pauvre Zé', même le gros William dit Bouboule, et même Arlette sa mère et Lu' son oncle et ce malheureux comte Mareuil de Villars-Lamour et Margaret sa secrétaire et même Tino le garde du corps cyclothymique et Cathy la petite junkie et Karl son amoureux transi et Sultan le doberman complexé et je te sens déjà perdu... Y'a un peuple fou dans cette histoire, je sais. Mais pas de panique. Comme tu vas le constater, ce récit est rempli de ces personnages picaresques qui font la joie des chroniqueurs de faits divers et la fortune des entreprises locales de pompes funèbres. Je m'en vais donc de ce pas te présenter les protagonistes de cette drôle d'aventure, où toute ressemblance avec des courges ou des enclumes... etc... etc... -
Conduite accompagnée
Philippe Carrèse
- 1961 Digital Edition
- Marseille Connection
- 20 Février 2013
- 9782368690161
- Prince Konhreïd, ne soyez pas inquiet.
Le lieutenant Barphil restait serein. Un vol de starkhans des cimes passa haut dans le ciel, poussant leur cri sinistre :
- Ah ? L'automne arrive ! constata le prince, observant attentivement les migrateurs de mauvaise augure.
Puis il regarda le tableau de bord du Kropos III. Ce qu'il y vit ne le rassura pas le moins du monde. Les réserves de carburant étaient au plus bas et l'horloge de bord avait disjoncté. Il consulta sa montre, une Swatch de contrebande gagnée à une loterie foraine sur le marché des Capucins. Un ressort sortait du cadran, elle était cannée.
- Zobi !
- Que dites-vous, prince Konhreïd?
- Rien, Barphil. Rien !
Une heure avait passé depuis leur échappée sauvage de la galaxie de Pathos. Ils avaient pu se soustraire à l'orbite de la planète Sept et se réfugier sur un satellite naturel de l'empire de Knerh. Mais leur astronef était à bout de souffle. Et le capitaine, parti chercher des renforts, avait disparu :
- Kildrajoon n'est jamais en retard, pesta le prince.
Barphil tempéra :
- Il ne saurait tarder, prince Konhreïd.
Une étrange odeur empli le cockpit, une odeur ensorcelante. Le prince se leva pour faire le tour de la cabine, intrigué. Barphil essaya de le rassurer :
- Bientôt !
Le prince surprit un sourire sur le visage du lieutenant :
- Bientôt quoi, lieutenant ?
- Bientôt c'est prêt !
- Qu'est-ce qui est prêt ?
- La royale !
- Mais cette odeur ?
- La mozzarella ? C'est délicieux, la mozzarella !
Le prince se laissa tomber sur un des fauteuils de pilotage, effondré.
- Lieutenant Barphil, personne n'a jamais mis de la mozzarella sur une royale. C'est formellement interdit par les conventions intergalactiques. Que vont dire les contrôleurs du syndicat ?