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Skopia éditions
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Extrait d'une lettre de Paul Assas,écrite en 1961 à Oran. Alors âgé de 15 ans, il s'adresse à sa soeur Madeleine, installée depuis peu à Paris.
Juste derrière moi, des bagnoles se mettent à klaxonner, avec un "k" comme Khrouchtchev. Algérie française ! Ils klaxonnent si fort qu'on pourrait croire qu'ils travaillent pour le syndicat des marchands de batteries. Il y a de Gaulle qui continue sa tournée sur le compte des petits contribuables à Papa. Je parlais justement tout à l'heure des manifestants, ils passent maintenant juste sous ma fenêtre à grand renfort de klaxon avec un "k" comme "Kennedy".
L'autre jour, c'est-à-dire hier, notre forum municipal, la place des Victoires, s'est vue être le théâtre de violents accrochages entre manifestants et policiers. Ces messieurs et dames, car le sexe faible qui est un peu fort participe aussi aux opérations, déboulonnent les soupapes des pneus des cars qui font la navette entre les différents quartiers de notre pacifique ville. Tout autour de la place, sousentendu des Victoires, les cars et les voitures pris d'assaut par les "manifestants" gisent dans un concert de klaxons avec un "k" comme "Khrouchtchev" et "Kennedy" sur la chaussée. Des pierres, des pavés, des carreaux fendus témoignent de la résistance de ces hommes et de ces femmes qui luttent pour leur indépendance.