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Arts et spectacles
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De 1759 à 1781, Diderot le philosophe, l'homme de lettres, a joué au critique d'art en donnant neuf Salons pour une revue littéraire. Il s'agissait alors de proposer aux abonnés, absents de Paris, un équivalent littéraire des oeuvres qu'ils ne verraient pas : le lecteur, aujourd'hui encore, appréciera ces textes sans avoir les tableaux ou les sculptures sous les yeux.
Le Salon selon Diderot n'est pas seulement de la critique d'art : il contient des dialogues, des rêveries, des théories, de la philosophie. Il oscille entre le roman et l'essai, entre le conte et la critique. Il ne s'agit pas de constituer une esthétique conceptuelle, mais d'arpenter l'espace d'une interrogation : chaque Salon est l'occasion d'un nouvel essai de réflexion, où le devoir d'abstraction philosophique ne fait jamais l'économie du foisonnement du réel. Peut-être Diderot ne sait-il pas expliquer un art qui soit totalement étranger à toute narration. Peu importe : il sait en parler comme nul autre.
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Dans ces 62 contes, écrits dans les années 1888-1925, Unamuno fait revivre des vies minuscules, un petit monde de commerçants, employés, fonctionnaires, retraités, servantes au grand coeur, chasseurs gaillards et fanfarons, habitués des cafés ou du casino, pour qui parler, c'est agir. Les sujets les plus divers sont abordés : on trouvera des nouvelles de type romantique ou fantastique, des fables, des satires politiques ou sociales, des éléments empruntés au folklore basque, des scènes de la vie domestique ou des questions de société. Proche des Fictions de Borgès (ou des nouvelles de Dino Buzzati), ces contes relèvent d'un réalisme de l'absurde, tantôt gouailleur, tantôt mélancolique. Unamuno y défend la prééminence du rêve sur la réalité, de l'irrationnel sur le rationalisme plat.
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L'existence d'une autobiographie rédigée de façon aussi précise et méticuleuse que Ma Vie est une chance exceptionnelle pour la postérité, qui dispose ainsi d'un document de première main, même si sa fiabilité est parfois sujette à caution. Certes, le récit ne couvre qu'une partie du parcours artistique, politique et intellectuel du compositeur : il commence avec sa naissance à Leipzig en 1813 et s'arrête en 1864, au moment où le roi Louis II de Bavière lui accorde sa protection. Cette autobiographie propose une fresque haute en couleurs, riche en événements et d'une grande précision sur les cinquante premières années de la vie du compositeur ; elle permet d'entrer dans l'intimité de la genèse de son oeuvre, de ses premiers émois amoureux ; de vivre avec lui sa rocambolesque fuite de Riga, ses difficiles séjours à Paris, sa participation à la révolution de 1849 à Dresde et son long exil suisse dans les années 1850.
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Tenu de 1828 à sa mort en 1874, le Journal de Michelet tisse ensemble un projet intellectuel et pédagogique, une ambition personnelle, une oeuvre-monde, une intimité. Il rend à jamais indissociables l'historien de la France et de la Révolution, dont le savoir et le souffle font aujourd'hui encore notre admiration, et l'homme amoureux, obsédé par la mort et célébrant la vie, consignant son intimité et celle de sa femme, disséquant sentiments et plaisirs charnels, se passionnant pour la biologie et l'histoire naturelle. Étonnante modernité d'un texte audacieux, souvent cru, qui n'a rien à envier à l'autofiction contemporaine.
Tantôt intimiste, tantôt prophétique, Michelet s'adresse tour à tour au peuple, aux femmes, aux générations futures, et à l'humanité entière. Sous nos yeux se joue la célébration du moi tout-puissant, en union avec la nature et l'univers, et son identification progressive au monde. Dans un mouvement résolument moderne, la subjectivité devient le médium absolu de l'histoire. Voilà pourquoi nous entrons aussi facilement dans ce Journal, qui se lit comme le roman de notre modernité.