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Impressions Nouvelles
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Maintenant je sens que j'ai dû être belle.
Belle comme peuvent l'être celles qui ne le savent pas, croyant déjà ressembler à leur vieille mère, et se cachant sous un châle noir. Et qui de loin ne paraîtront jamais vieillir, car à quatre-vingts ans, elles ne seront ni moins droites ni plus raides qu'elles l'étaient à vingt, et porteront toujours la même mantille. Mais qu'à cet âge elles l'enlèvent, et les pauvres artistes blêmiront de découvrir leurs muses.
Et ils interrogeront ces cernes bleus qui alourdissent leurs yeux, et ces lignes amères qui encadrent leurs lèvres. Ces marques-là ne sont pas de celles que laisse le rire ; à leur vue, vous commenceriez à douter de Mérimée, qui fit rire Carmen à longueur de journée. Carmen, Monsieur, fut la plus âpre des femmes.
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Saint Jérôme et le lion
Sandrine Willems
- IMPRESSIONS NOUVELLES
- Traverses
- 12 Février 2002
- 9782906131446
Le premier visiteur que l'on vit arriver, cependant, fut un lion, aucunement ailé.
Je ne savais si c'était mon âne ou moi, qu'il désirait manger. Mais je pris les devants et me proposai, trop content d'avoir enfin trouvé, dans ce désert, l'arène d'un martyre à ma mesure. Alors je revis les yeux d'or, et sous leur charme retombai. Mais tout à coup je m'avisai que l'une des pattes du seigneur était ensanglantée. Et pas du sang d'une proie, c'était le sien qui coulait là, car il était trop noir pour n'être pas royal.
D'autres avaient baisé les pieds du Christ, moi je me baisserais sur la patte d'un lion, et en retirerais l'épine qui le mettait à la torture ; c'était à cause d'elle, j'en étais convaincu, et non par malveillance qu'il rugissait si fort : Saint Paul ne dit-il pas qu'une écharde en la chair écorche jusqu'au coeur ?
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Artémis et le cerf
Willems/Sandrine
- Impressions Nouvelles
- Les Petits Dieux
- 12 Février 2002
- 9782906131408
J'ai une excuse, pourtant, à mon aveuglement.
La dernière fois que je t'ai vu, tes ramures n'avaient pas encore poussé. Elles ont aujourd'hui six cors, faut-il croire que tant d'années soient passées. Et que soit revenu le printemps, qu'on ne pourra pas vivre ensemble. Les dieux sont imprécis à mesurer le temps ; je sais cependant qu'à chaque hiver vos cornes tombent, comme des branches mortes, mais si grandes qu'on dirait un tronc qui craque, un arbre qui s'écroule, et puis ça repousse, chaque fois plus grand, comme un bourgeon qui n'en finirait pas de grossir, et ne voudrait pas devenir fleur.
Tes bois ressemblaient trop à une renaissance, tu vois, je m'y suis trompée, j'ai cru que toi aussi, tu étais immortel.