Des vertus, on ne parle plus guère. Cela ne signifie pas que nous n'en ayons plus besoin, ni ne nous autorise à y renoncer. Mieux vaut enseigner les vertus, disait Spinoza, que condamner les vices : mieux vaut la joie que la tristesse, mieux vaut l'admiration que le mépris, mieux vaut l'exemple que la honte. De la politesse à l'amour, dix-huit chapitres sur les vertus, celles qui nous manquent parfois, celles qui nous éclairent. Il ne s'agit pas de donner des leçons de morale, mais d'aider chacun à devenir son propre maître et son unique juge. Il n'y a pas de bien en soi : le bien n'existe pas, il est à faire et c'est ce qu'on appelle les vertus.
L'histoire n'est pas une réalité brute, mais surtout, le récit que l'on en fait, à l'échelle individuelle comme à l'échelle des groupes et des sociétés, pour donner sens au temps, au temps vécu, au temps qui passe. Jadis, le sens était tout trouvé : il avait pour nom(s) Dieu, Salut, Providence ou, pour les plus savants, Théodicée. À l'orée du XXe siècle, la lecture religieuse n'est plus crédible, dans le contexte de déprise religieuse qui caractérise l'Occident - l'Europe au premier chef. La question du sens (« de la vie », « de l'histoire »...) en devient brûlante et douloureuse, comme en témoignent les oeuvres littéraires et philosophiques du premier XXe siècle, notamment après ce summum d'absurdité qu'aura constitué la mort de masse de la Grande Guerre. La littérature entra en crise, ainsi que la philosophie et la « pensée européenne » (Husserl). On ne peut guère comprendre le fascisme, le nazisme, le communisme, le national-traditionnalisme mais aussi le « libéralisme » et ses avatars sans prendre en compte cette dimension, essentielle, de donation et de dotation de sens - à l'existence collective comme aux existences individuelles -, sans oublier les tentatives de sauvetage catholique ni, toujours très utile, celles du complotisme. Au rebours de l'opposition abrupte entre discours et pratiques, ou de celle qui distingue histoire et métahistoire, il s'agit d'entrer de plain-pied dans l'histoire de notre temps en éclairant la façon dont nous habitons le temps en tentant de lui donner sens.
Les émotions ont mauvaise presse et souffrent depuis toujours d'un préjugé tenace. Les émotions, ce sont les « humeurs », ou encore les « passions » ? passivité de l'âme. Aujourd'hui encore, les hommes, bien souvent, ne doivent pas montrer leurs larmes, tandis que les femmes passent pour hystériques quand elles le font. Pourtant, ce sont nos émotions, ce que nous ressentons, qui nous rendent humains. À rebours du développement personnel, c'est un guide philosophique des émotions que propose Ilaria Gaspari. Nostalgie, angoisse, gratitude, etc. : les mots que nous mettons sur nos maux ont une histoire, celle de toutes les personnes qui les ont vécues, dites, chantées, étudiées. En s'appuyant sur les plus grands philosophes et la littérature, des récits initiatiques d'Homère à Schopenhauer en passant par Spinoza, Ilaria Gaspari montre que ce qui est le plus intime est aussi universel : les émotions nous inscrivent dans la lignée des hommes. À travers ce voyage émotionnel dans le temps et la philosophie, à partir de son expérience personnelle, Ilaria Gaspari enjoint à se reconnaître comme émotif afin de ne pas se laisser dominer par elles, ne pas les subir, ni les réprimer, mais les vivre et nous fier à ce qu'elles nous disent. Car c'est l'émotion que nous ressentons qui nous rappelle nos besoins profonds, qui nous rappelle que nous sommes humains.
La situation est inédite. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, nous n'avons disposé d'autant d'informations et jamais nous n'avons eu autant de temps libre pour y puiser loisir et connaissance du monde. Nos prédécesseurs en avaient rêvé : la science et la technologie libéreraient l'humanité. Mais ce rêve risque désormais de tourner au cauchemar. Le déferlement d'informations a entraîné une concurrence généralisée de toutes les idées, une dérégulation du « marché cognitif » qui a une fâcheuse conséquence : capter, souvent pour le pire, le précieux trésor de notre attention. Nos esprits subissent l'envoûtement des écrans et s'abandonnent aux mille visages de la déraison. Victime d'un pillage en règle, notre esprit est au coeur d'un enjeu dont dépend notre avenir. Ce contexte inquiétant dévoile certaines des aspirations profondes de l'humanité. L'heure de la confrontation avec notre propre nature aurait-elle sonné ? De la façon dont nous réagirons dépendront les possibilités d'échapper à ce qu'il faut bien appeler une menace civilisationnelle. C'est le récit de cet enjeu historique que propose le nouveau livre événement de Gérald Bronner. Gérald Bronner est professeur de sociologie à l'Université de Paris, membre de l'Académie des technologies et de l'Académie nationale de médecine. Il a publié plusieurs ouvrages couronnés par de nombreux prix. Son dernier ouvrage paru est Cabinet de curiosités sociales (collection « Quadrige », Puf, 2020).
« Philosopher, c'est penser sa vie et vivre sa pensée. Entre les deux, un décalage subsiste pourtant, qui nous constitue et nous déchire. A quoi bon tant penser si c'est pour vivre si peu ? On voudrait ici essayer autre chose : une philosophie à découvert, au plus près de la vie réelle, de ses échecs, de sa fragilité, de sa perpétuelle et fugitive improvisation. C'est ce que le mot d'impromptus, emprunté à Schubert, a paru pouvoir désigner à peu près. »
Peut-on jouir, dans un monde injuste, sans être complice de l'injustice ? La question se pose aujourd'hui alors que nos plaisirs, qu'ils soient érotiques, alimentaires ou festifs, semblent formatés par le capitalisme contemporain et butent sur des impératifs politiques nouveaux : le refus de la violence patriarcale, la préservation du vivant, les exigences sanitaires. Plutôt que de céder à l'ascèse, ce livre nous invite à redécouvrir la dimension politiquement subversive du plaisir. La gauche n'a aucune raison d'abandonner l'allégresse à la pensée réactionnaire et sa défense de l'« art de vivre à la française » opposé au « moralisme progressiste ». A condition d'être partagé, le plaisir est une émotion qui inscrit dans les corps une issue positive à la catastrophe. Dans cet essai, Michaël Foessel propose de renouer avec les traditions qui articulent plaisirs et émancipation. Il montre que les expériences politiquement prometteuses sont celles d'où la terreur et la honte sont absentes.
Au détour d'une conversation, l'auteur prend conscience un beau jour qu'il appartient à une communauté invisible : celle des gens qui marchent seuls, au hasard. Depuis l'adolescence, il s'adonne à cet art qui compte de prestigieux représentants : Rousseau, Baudelaire ou André Breton. Son métier de sociologue l'incite à entreprendre une enquête à la rencontre de ces marcheurs du hasard. Il découvre alors tout un monde, aux personnalités hautes en couleur : la flâneuse, le promeneur du dimanche, la mystique, le romantique, le fugitif, etc. Des liens se tissent, créant un réseau de correspondances d'où ressort une grande impression d'unité. La dernière partie du livre se concentre sur la personnalité de l'Errante, une inconnue rencontrée aux Puces de Saint-Ouen qui développe une approche sensorielle de la marche solitaire. Elle encourage Rémy Oudghiri à retourner sur les traces de ses premières errances à Casablanca. Un voyage qui se révèle décisif pour comprendre l'essence de la marche solitaire et le lien profond qui relie les membres de cette société très secrète.
La Poétique de l'espace explore, à travers les images littéraires, la dimension imaginaire de notre relation à l'espace, en se focalisant sur les espaces du bonheur intime. Le « philosophe-poète » que fût Gaston Bachelard entend ainsi aider ses lecteurs à mieux habiter le monde, grâce aux puissances de l'imagination et, plus précisément, de la rêverie. Aussi l'ouvrage propose-t-il tout d'abord une suite de variations poético-philosophiques sur le thème fondamental de la Maison, de celle de l'être humain aux « maisons animales » comme la coquille ou le nid, en passant par ces « maisons des choses » que sont les tiroirs, les armoires et les coffres. Il ouvre de la sorte une ample réflexion sur l'art d'habiter le monde, impliquant une dialectique de la miniature et de l'immensité, puis du dedans et du dehors, qui s'achève par une méditation des images de la plénitude heureuse, condensant les enjeux anthropologiques, métaphysiques et éthiques de cette oeuvre sans précédent.
Que celui ou celle dont nous recevons le legs soit un proche parent ou qu'il soit étranger à notre généalogie, il nous devient familier le temps de la succession. C'est l'impudeur obligée des inventaires et des partages. Se dessine alors la figure d'un homme, d'une femme. Les biens qu'il transmet rendent compte des désirs conscients et inconscients du disparu ; ils témoignent également de ce qu'il a ou n'a pas reçu de ses aïeux, ceux et celles qui l'ont précédé. Hériter, c'est s'inscrire dans la lignée humaine, c'est le signe que l'existence d'un être humain relève aussi d'un passé qu'il n'a pas connu. Le temps de la succession est aussi l'un des rares moments d'une existence où le sujet croise les règles juridiques de la société qui l'héberge. Actes notariés, droits à payer, il est parfois des partages difficiles : sans doute ceux-ci relèvent-ils moins du notaire que du psychanalyste quand il est question d'amour, de haine, d'envie ou de déception.
Le contemporain démocratique nous invite, depuis quelques décennies, à penser le sexe et le genre. La légitimité de cette réflexion s'affirme enfin. Dans cet ouvrage qui réunit La controverse des sexes, La différence des sexes et un recueil d'articles inédits, la démarche privilégie l'« à côté » d'une recherche des définitions et des identités. Le passage conceptuel de « sexe » à « genre » demande une distance critique. C'est à partir d'un repérage des lieux dans une histoire de la pensée, philosophique, littéraire et factuelle que les questions philosophiques sont identifiées et développées par l'autrice. Car il s'agit de comprendre ce qui surgit quand égalité et liberté se révèlent comme des enjeux, dans la politique et la création, l'économique et le corps, la pensée et l'agir. La longue histoire de la philosophie, quelques scènes littéraires contemporaines, et la mise à l'épreuve de débats récents, tout contribue à restituer l'importance de l'émancipation féministe au regard du monde.
L'ouvrage débute par une définition précise des termes « anarchie » et « anarchisme » et de leur histoire, en même temps que par un tour d'horizon des enjeux politiques contemporains qui rendent nécessaire une nouvelle réflexion sur ces termes et leur potentiel émancipateur, trop vite enterré ou méprisé (les anarchistes sont des nihilistes, des terroristes, etc.). Catherine Malabou s'interroge sur la raison pour laquelle certains des philosophes les plus importants du XXe siècle ont élaboré des concepts d'anarchie décisifs pour comprendre la situation contemporaine de la pensée en matière d'éthique et de politique sans jamais toutefois se référer à l'anarchisme. Comme si l'anarchisme était quelque chose d'inavouable, qu'il faudrait cacher alors même qu'on lui Au fil de l'interprétation critique de chaque philosophe se dégagent les éléments d'une pensée du « non gouvernable », qui va bien au-delà d'un appel à la désobéissance ou d'une critique convenue du capitalisme. Le livre propose donc une réinterprétation de l'anarchisme.
« J'aime les définitions. J'y vois davantage qu'un jeu ou qu'un exercice intellectuel : une exigence de la pensée. Pour ne pas se perdre dans la forêt des mots et des idées. Pour trouver son chemin, toujours singulier, vers l'universel. La philosophie a son vocabulaire propre : certains mots qui n'appartiennent qu'à elle, d'autres, plus nombreux, qu'elle emprunte au langage ordinaire, auxquels elle donne un sens plus précis ou plus profond. Cela fait une partie de sa difficulté comme de sa force. Un jargon ? Seulement pour ceux qui ne le connaissent pas ou qui s'en servent mal. Voltaire, à qui j'emprunte mon titre, a su montrer que la clarté, contre la folie des hommes, était plus efficace qu'un discours sibyllin ou abscons. Comment combattre l'obscurantisme par l'obscurité ? La peur, par le terrorisme ? La bêtise, par le snobisme ? Mieux vaut s'adresser à tous, pour aider chacun à penser. La philosophie n'appartient à personne. Qu'elle demande des efforts, du travail, de la réflexion, c'est une évidence. Mais elle ne vaut que par le plaisir qu'elle offre : celui de penser mieux, pour vivre mieux. C'est à quoi ces 2 267 définitions voudraient contribuer. »
Nouvelle édition intégralement revue et augmentée de 613 nouvelles entrées.
Après avoir posé en introduction les principes épistémologiques et la méthode qui président à ce travail historique, l'ouvrage se compose de huit chapitres, chacun retraçant l'histoire de la vie intellectuelle (avec une insistance particulière sur la philosophie) d'une civilisation : la Grèce, Rome, l'Islam, l'Europe, la Russie, l'Inde, la Chine et le Japon. Chaque chapitre se décompose entre trois parties - période préclassique, période classique et période postclassique - qui se retrouvent invariablement dans les aires culturelles considérées. L'histoire intellectuelle est donc cyclique (la Chine et l'Inde connaissent même plusieurs cycles). Ces cycles correspondent à des ramifications et à des inflexions majeures dans la vie intellectuelle - singulièrement la rupture entre une recherche de type philosophique et une autre de type scientifique. La conclusion fait le bilan comparatif et propose quelques explications des récurrences observées. Elle alerte contre les risques d'une perte de culture scientifique des philosophes.
L'auteur mondialement salué du Meilleur des mondes, fable contre-utopique décrivant un univers de contrôle préfigurant le nôtre, n'est pas l'homme d'un seul livre, loin de là. Sa vie très riche et son oeuvre immense, entre fictions et essais, font de lui un des grands témoins du XXe siècle - de ses étrangetés, de ses impasses et de ses paradoxes comme de ses beautés. On le suivra en choisissant six journées emblématiques de son existence : le moment où, enfant, il recouvre la vue après une période traumatique de perte progressive de vision ; sa rencontre en Italie avec l'écrivain D.H.Lawrence ; le succès visionnaire du Meilleur des mondes ; ses expériences avec les substances psychédéliques ; ses recherches sur la philosophie éternelle dans le désert de Californie et sa mort orchestrée comme un dernier trip, le 22 novembre 1963, le jour de l'assassinat de Kennedy.
Nous sommes les héritiers de la plus sinistre des histoires : celle qui a fait de l'amour un piège. De Adam et Ève aux séries contemporaines, elle n'a pas cessé d'être rejouée, définissant l'horizon de vie des femmes et des hommes errant sur la terre sous l'oeil mauvais du Démiurge. Il s'agit d'une histoire dans laquelle l'amour n'est pas ce qui sauve, mais ce qui enferme ; il n'est pas ce qui rend bon et joyeux, mais triste et méchant, égoïste et cruel. L'amour est un sickamour - un amour malade. Comment faire pour en échapper ? Comment faire pour retrouver ce qui a été perdu lorsque, jaloux du bonheur d'Adam et Ève, Dieu décida de les flanquer à la porte du Paradis ? Telle est la question que s'est posée Pacôme Thiellement dans Sycomore Sickamour, une promenade hallucinée et somptueuse dans les méandres d'un savoir amoureux perdu, mêlant le théâtre de William Shakespeare et les textes gnostiques, les images de Jacques Rivette et celles de David Lynch, mais aussi Buffy et Clair de lune, Raymond Roussel et John Lennon, Gérard de Nerval et Martha & The Vandellas. Une promenade à la recherche du twist de l'amour heureux.
Penser le temps peut aider à mieux vivre, à condition de se défaire des métaphores qui assimilent la durée à un flux ininterrompu ou à une continuité mélodique. Contre Bergson, Bachelard soutient que la durée, loin d'être un tissu indéchirable, une enveloppe qui nous berce ou qui nous porte, a un caractère essentiellement composite. Elle se forme sur la base discontinue des actes de l'esprit. Pour vérifier cette thèse, Bachelard aborde tour à tour la psychologie de la mémoire et de l'action volontaire, les formes de la causalité en physique, l'observation des phénomènes quantiques, l'esthétique musicale et poétique, les compositions temporelles du sentiment, de la pensée abstraite et de la vie morale. Il en dégage cette leçon générale : durer, c'est ordonner de loin en loin des instants actifs ; c'est composer des rythmes. L'approfondissement métaphysique de cette idée conduit Bachelard à dégager ce qu'il tient pour le noyau « dialectique » de l'expérience temporelle, et plus généralement de la vie de l'esprit : l'oscillation entre activité et repos, être et néant. Le projet de « rythmanalyse » sur lequel débouche cette étonnante enquête suggère que le secret philosophique du repos est dans une existence bien rythmée. De nombreuses applications permettent d'en vérifier l'idée : de l'homéopathie à la chronobiologie, en passant par le travail poétique des ambivalences sentimentales ou l'analyse de « l'état lyrique ». Accompagnée d'une présentation, de notes explicatives, d'une table analytique, d'un index et d'une bibliographie, cette édition permettra à chacun de prendre la mesure de l'originalité et de l'audace d'un essai de philosophie expérimentale qui n'a rien perdu de son actualité depuis sa première publication en 1936.
Qu'y a-t-il de commun entre le petit Grégory, Alfred Jarry, Jack L'Éventreur, Ronald Reagan, David Bowie, Edgar Allan Poe, Nicolas Sarkozy, Vincent Van Gogh, Martin Shkreli, Philip K. Dick, Nelson Mandela, Otis Redding, ou André Breton ? Qu'ont-ils en commun, ces individus hantant le vingtième siècle comme s'il était un théâtre grinçant ? La réponse est peut-être que, sans eux, l'histoire de ce siècle - notre histoire - serait incompréhensible. Car il y a les récits de manuels, avec ses grands hommes et ses grands événements. Et puis il y a le reste - les légendes dont est tissée la réalité, et qu'on ne peut raconter qu'au coin du feu ou dans l'ombre d'une porte, de peur de passer pour fou. Pacôme Thiellement n'a pas peur de la folie. Et lorsqu'il choisit de raconter « son » vingtième siècle, c'est à travers le plus étonnant des réseaux de correspondance, où la poésie fait écho au fait divers, les stars médiatiques à d'obscures préoccupations mystiques, et les nobles déclarations politiques aux tentatives incessantes de rendre la vie des humains impossible. Qu'y a-t-il donc de commun entre toutes ces figures ? Elles cherchèrent toutes à faire de la question « Qu'est-ce que vivre ? » celle du siècle lui-même.
« Grâce à l'analyse historique, nous allons pénétrer dans les coulisses d'un pouvoir qui toujours se montre, sans jamais se livrer. Et tenter de dresser un autre portrait du Roi Soleil : celui d'un prince qui voulait exercer un « métier », celui de chef d'État » C'est le roi le plus célèbre de notre panthéon national. Figure centrale des programmes scolaires, Louis XIV est aujourd'hui tout autant une marque commerciale, avec Versailles, qu'un argument médiatique aux heures de grandes écoutes. Retracer la vie du Roi Soleil constitue donc un défi pour l'historien, tant l'individu disparaît derrière le mythe du monarque absolu. Un autre Louis XIV est pourtant possible à raconter, plus proche de ce fut l'homme réel. Pénétrer dans les coulisses du pouvoir, permettra de découvrir la sensibilité d'un monarque en proie aux tourments de l'âge et aux affres de la maladie. Un souverain qui, à rebours des représentations officielles, pleure, gémit, souffre, hésite, mais qui est capable de repenser son autorité quand il s'agit de traverser les épreuves des années de misère. Car ce livre est aussi la biographie politique d'un roi pas comme les autres qui ne voulait pas seulement régner, mais bien gouverner les hommes.
En 1793, alors que la Révolution française se radicalise et cherche à se défendre contre les pays voisins, la mobilisation de 300 000 soldats déclenche des révoltes dans de nombreuses régions. Mais c'est au sud de la Loire, dans le département de la Vendée, qu'une troupe d'insurgés disperse le 19 mars 1793 l'armée venue rétablir l'ordre. Une guerre particulièrement violente, menée sous l'impulsion de la Convention à Paris, suit cet événement fondateur et soude entre eux les révoltés, appelés désormais les Vendéens, des Sables-d'Olonne à Saumur, de Nantes à Luçon. La guerre et la répression qui la prolonge unifient les populations dans une même identité aux yeux de tout le pays, et même de toute l'Europe, mais elles donnent aussi à tous les révoltés une identité politique qui perdurera après la fin de la guerre. La région Vendée est née et les Vendéens deviennent les héros de la Contre-Révolution, défenseurs du royalisme et du catholicisme. Cette lutte continue pendant les deux siècles suivants, chaque génération se réaffirmant, bon gré mal gré, Vendéens ou républicains jusqu'au XXIe siècle. C'est cette biographie collective d'une communauté célèbre dans le monde entier qui est l'objet de ce livre.
Au cours de ses recherches, l'auteur a rencontré de nombreux jeunes désireux d'interroger ces traces pour comprendre leurs origines, leurs identités et la société française. En pansant les plaies du passé, leurs quêtes nous aident à penser la société française. Parce qu'ils sont la solution, ce livre leur donne la parole Sur la base d'une enquête auprès de 3 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans et après une centaine d'entretiens avec des petits-enfants d'appelés, de Pieds-noirs, de Harki, de Juifs d'Algérie, de militants au FLN ou à l'OAS, on comprend vite que 39% des jeunes Français ont un lien familial avec la guerre d'Algérie et doivent affronter ses conséquences intimes et politiques. Cet ouvrage permet à la fois de faire le constat de ce que les jeunes savent et retiennent de la colonisation et de la guerre d'Algérie, de ce qui a été transmis dans les familles et de la façon dont cette nouvelle génération interprète, négocie et utilise les traces de cette histoire avec lesquelles nous vivons encore.
« Depuis la parution de ce livre en 1979, et aujourd'hui encore, je reçois des lettres de personnes qui me disent que cette lecture a fait venir dans leurs vies le petit enfant perdu, incompris, apeuré qu'ils furent autrefois. Ils m'écrivent qu'il y a des dizaines d'années, ils ont dû l'abandonner et l'oublier sans que cela ne leur soit jamais apparu jusqu'à cette date. Ils sont nombreux à constater que c'est la première fois de leur vie qu'ils sont touchés par la détresse et les souffrances de cet enfant, et qu'en les ressentant ils ont pu en pleurer. [...] Les fortes réactions émotionnelles que ce livre a suscitées sont sans doute imputables au fait que mon propre éveil émotionnel est lié au travail qu'a exigé son écriture. C'est le moment où j'ai décidé de partir à la recherche de ce qui fut le début de mon existence, de décrypter ma propre histoire et de mener ma vie sans m'encombrer du poids, mort à mes yeux, dont mon éducation et ma formation de psychanalyste m'avaient chargée. »
Contrairement à ce que le titre a souvent pu laisser penser, il ne s'agit pas d'un livre sur les enfants surdoués. On y trouvera par contre une recherche autour de l'interrogation : pourquoi tant d'adultes doués, qui réussissent dans la vie, souffrent-ils de se sentir étrangers à eux-mêmes, intérieurement vides ? Depuis la première parution de ce livre en 1979, les réponses d'Alice Miller à cette question ont aidé de nombreux lecteurs à trouver un accès à leur propre histoire et à découvrir que la partie précieuse de leur Soi leur était restée cachée jusqu'alors (leur « drame »).
Ses lecteurs sont encouragés à chercher les raisons de leur souffrance actuelle dans leur histoire, l'histoire du petit enfant qui ne devait vivre que pour les besoins de ses parents en ignorant ou niant ses propres besoins. Au lieu de payer plus tard avec des dépressions et de nombreuses maladies corporelles pour cette auto-mutilation, l'adulte peut s'en libérer en trouvant l'empathie pour l'enfant qu'il a été et pour sa souffrance muette. Aussitôt qu'il assume sa vérité, bloquée si longtemps dans son corps, il peut commencer à regagner, pas à pas, sa vitalité, la vie authentique qu'il n'avait pas osé vivre.
La perception par l'auteur du vécu réel de l'enfant n'est plus en lien avec celle de la psychanalyse, à laquelle Alice Miller reproche de rester dans la vieille tradition qui accuse les enfants et protège les parents, autant dans la théorie que dans la pratique où les rapports des traumatismes réels sont interprétés comme fantasmes.
Le livre se veut d'abord un rapide rappel historique donnant les éléments essentiels afin de connaître et de suivre les grandes lignes d'intervention politique de la gauche dans l'histoire du pays depuis la proclamation de la République en 1870 et la Commune de Paris. Il étudie les tensions entre aspirations de rupture révolutionnaire et celles de construction et de coopération républicaine. Il cherche à établir leurs contradictions et leurs complémentarités, afin de procéder à un premier état des lieux et des éventuels « succès » ou « échecs » de la ou des gauches françaises. Il souhaite ainsi saisir au mieux l'originalité de la gauche française, autour du projet vaste et aux définitions multiples longtemps résumé par l'expression de « République sociale » afin de déboucher sur une analyse de ses difficultés comme des possibilités actuelles d'intervention.
Dans les épreuves et les violences du monde contemporain. l'invivable est la pointe extrême de la souffrance, de l'injustice, et du soin qui peut et doit y répondre. Mais qu'est-ce qui est invivable ? Puisqu'il exige immédiatement une action et un soin, comment s'en prémunir et le réparer? Judith Butler critique les normes qui rendent des vies « précaires » et « invivables » (depuis Trouble dans le genre), mais sans pour autant la lier à une philosophie de « la vie » ou du « soin ». Frédéric Worms, de son côté revendique un « vitalisme critique », pour lequel tout ce qui cause la mort relève de la vie, mais d'une manière différenciée selon les vivants, de sorte que « l'invivable » qui tue quelque chose en nous, reste littéralement vital et révèle la spécificité des vivants humains. Mais tous les deux voient dans la différence entre le vivable et l'invivable le fondement critique pour une pratique contemporaine du soin. Pour l'un et pour l'autre, le soin complet rendra la vie humaine vivable, « plus que vivante ». Il faut s'appuyer pour cela sur les pratiques concrètes des humains confrontés à l'invivable, les réfugiés dans le monde contemporain, les témoins et les écrivains des violations du passé. Ce sont eux qui nous apprennent et nous transmettent ce qui dans l'invivable est insoutenable, mais aussi indubitable, et ce qui permet d'y résister. Un dialogue transcrit et traduit d'une séance tenue à l'Ecole normale supérieure.
Tombé presque par hasard sur l'année 1938, un philosophe inquiet du présent est allé de surprise en surprise. Au-delà de ce qui est bien connu (les accords de Munich et la supposée «faiblesse des démocraties »), il a découvert des faits, mais aussi une langue, une logique et des obsessions étrangement parallèles à ce que nous vivons aujourd'hui. L'abandon de la politique du Front populaire, une demande insatiable d'autorité, les appels de plus en plus incantatoires à la démocratie contre la montée des nationalismes, une immense fatigue à l'égard du droit et de la justice : l'auteur a trouvé dans ce passé une image de notre présent. Récidive ne raconte pas l'histoire de l'avant-guerre. Il n'entonne pas non plus le couplet attendu du « retour des années 30 ». Les événements ne se répètent pas, mais il arrive que la manière de les interpréter traverse la différence des temps. En ce sens, les défaites anciennes de la démocratie peuvent nous renseigner sur les nôtres. Récidive est le récit d'un trouble : pourquoi 1938 nous éclaire-t-elle tant sur le présent ?